La faible valeur des sociétés cotées : une opportunité pour motiver ses managers

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Michel Masoëro et Laëtitia Desurmont - Avocats - Lamy LexelEn mettant en valeur les différents moyens pour accroître la fidélisation des cadres, cet article s’axe particulièrement sur la mise en place des Bons de Souscription d’actions. Par Michel Masoëro (associé) et Laëtitia Desurmont (avocat), Lamy Lexel.

Pour accroître la motivation des cadres et les fidéliser, rien de tel que de les associer à la réussite de  l’entreprise à laquelle ils sont liés, et notamment à la hausse du cours. Pour remplir cet objectif, les techniques d’intéressement des cadres dirigeants des sociétés cotées ont fait l’objet de créations diverses ces dernières années : plans de stock-options, attribution gratuite d’actions, émission de bons de souscription d’actions…

Si les deux premières techniques voient leur succès se ternir, compte tenu de l’alourdissement de leur mise en place sur le plan juridique (pour les sociétés dont les titres sont cotés, il existe une obligation de proposer des actions gratuites ou des stocks options à 90% des salariés, ou de mettre en place un accord d’intéressement) mais surtout de la dévalorisation récente et répétée(1) de leur régime fiscal, l’émission de BSA connaît quant à elle un regain d’intérêt.

L’avantage certain de cette dernière technique, outre son moindre coût, est sa souplesse, car il est possible d’adapter les critères de souscription d’action aux objectifs que s’est fixée l’entreprise.

Il est possible d’affiner encore l’option retenue, et de choisir d’émettre des « BSAA » (bons de souscription et/ou d’acquisition d'actions), pour permettre de limiter l’effet dilutif d’une telle opération.

En outre, et contrairement aux plans de stock-options et aux actions gratuites qui n’impliquent pas d’investissement en capital de la part de leurs bénéficiaires, les dirigeants actionnaires voient dans l’émission de BSAA un moyen supplémentaire de participer au risque d’entreprise et de démontrer à leurs actionnaires leur adhésion au projet d’entreprise, qu’ils vivent eux-mêmes à une autre échelle.

L’émission de BSAA est possible sur délégation de compétence consentie par l’assemblée générale extraordinaire au Conseil d’administration, en vue d’augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription.

Si l’émission est offerte à moins de 100 personnes, ou d’un montant inférieur à 100.000 euros, ou inférieure à  2.500.000€ et ne portant pas sur plus de 50% du capital de la société émettrice, elle entre dans les dérogations à l’offre au public obligatoire.

La désignation des bénéficiaires, la fixation du prix et des conditions d'acquisition des titres ressortent de la compétence du conseil d'administration.

Il est couramment admis de prévoir un délai d’exercice du bon à cinq ans, pour un prix de souscription du BSAA qui peut avoisiner le 10ème de la valeur du titre. Cependant, la fixation de la valeur du BSAA pourrait nécessiter une expertise pour éviter tout risque de requalification en salaire, et le redressement URSSAF subséquent.

Les conditions d’exercice des bons sont reprises dans le contrat d’émission, qui peut prévoir que leur bénéficiaire devra remplir des conditions de performance pour les exercer (atteinte d’un montant de chiffre d’affaires, d’un niveau de résultat) et soumettre l’exercice du bon à la condition de présence dans l’entreprise (demeurer salarié ou mandataire de la société émettrice).

Pour l’information des bénéficiaires, le contrat d’émission rappelle souvent le régime fiscal et social auquel sont soumis les bons. À ce jour, il est le suivant :

Le gain net réalisé par le bénéficiaire des bons lors de la cession des titres souscrits en exercice de ces bons est imposé à l'impôt sur le revenu comme plus-value de cession de valeurs mobilières au taux de 18% ou de 30% lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de trois ans à la date de la cession (taux effectifs respectivement de 30,1% et 42,1% avec les prélèvements sociaux) (CGI art. 163 bis G).

Si les titres sont placés plus de cinq ans sur un plan d’épargne action (PEA), les gains sont exonérés d’impôt sur le revenu, mais restent soumis aux prélèvements sociaux.

Ces gains ne sont pas pris en compte pour l'application de la législation du travail et de la sécurité sociale (Loi 97-1269 du 30-12-1997 art. 76, II). Ils échappent donc aux cotisations.

La société émettrice doit adresser une déclaration aux services fiscaux avant le 15 février de l'année suivant celle au cours de laquelle des titres sont souscrits en exercice des bons et doit adresser un duplicata à chaque souscripteur, qui le joint à sa déclaration fiscale de revenus (CGI ann. III art. 41, V bis).

Cette solution, qui permet aux dirigeants et actionnaires de motiver leurs managers à la hausse du cours de bourse, tout en leur demandant l’effort financier inhérent à toute opération capitalistique, paraît particulièrement d’actualité pour les sociétés qui peuvent espérer, au lendemain de la crise, une forte reprise de leur valorisation.

Notes

(1)  Le régime fiscal actuel des actions attribuées gratuitement est le suivant :
i. l’avantage tiré de l’attribution d’actions gratuites, égal à la valeur de ces actions à leur date d’acquisition (et non à la date d’attribution), est imposable, chez l’Attributaire, au titre de l’année de cession desdites actions, au taux de 30 %, majoré des contributions sociales (CSG, CRDS et prélèvement social) à hauteur de 11 %, soit un taux d’imposition de 41 % (articles 80 quaterdecies et 200 A, 6 bis, du Code général des impôts) ;

ii. la plus value de cession, égale à la différence entre le prix de cession des actions et la valeur des actions à leur date d’acquisition, est imposable comme une plus value de cession de valeurs mobilières dans les conditions prévues à l’article 150-O A du Code général des impôts (notamment, application du seuil annuel d’imposition et de l’abattement pour durée de détention) ; le taux d’imposition est actuellement de 18 %, majoré des contributions sociales (CSG, CRDS et prélèvement social) à hauteur de 11 %, soit un taux d’imposition de 29 % (Article 200 A, 6 bis, du Code général des impôts) ;

iii. si les actions sont cédées pour un prix inférieur à leur valeur à la date d’acquisition, la moins value est réduite de l’avantage visé au (i) ci-dessus (Article 200 A, 6 bis du Code général des impôts,).

En outre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a institué deux contributions complémentaires :

- une contribution patronale due par la Société, d’un montant de 10 % et calculée sur la valeur de l’action au moment de la décision d’attribution, exigible dans un délai d’un mois à compter de la décision d’attribution prise par le Président ;
- une contribution salariale due par l’Attributaire, d’un montant de 2,5 % et calculée sur la valeur de l’action à la date de l’acquisition, dont la date d’exigibilité n’a pas encore été précisée par le législateur.


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