Entreprise en difficulté : au Royaume-Uni, le « Company Voluntary Agreement », ou CVA, est la première étape de la procédure

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Olivier Morel - Avocat - Cripps Harries HallOlivier Morel, avocat associé du cabinet Cripps Harries Hall, explique la procédure du Company Voluntary Agreement, à comparer avec la procédure de sauvegarde française. Des idées à prendre…

Au Royaume-Uni, les difficultés des entreprises sont traitées en différentes étapes, souvent mal connues, allant du « Company Voluntary Arrangement » (« CVA »), à la liquidation, en passant par le placement d’une entreprise en administration. Le CVA est la première solution pour sauver une entreprise. Comment est-il mis en œuvre, quels sont les avantages pour les créanciers ?

  • Le CVA, un contrat de retour à meilleure fortune

Alors que la récession continue de peser sur l’activité commerciale des entreprises, la protection qu’offre une procédure formelle d’insolvabilité peut être une option pour aider une entreprise à sortir de difficultés financières momentanées et accompagner son retour à la profitabilité. Un accord ou un arrangement volontaire avec ses créanciers (CVA) est un des aspects d’une procédure d’insolvabilité.

Le CVA est par définition un contrat par lequel tous ou certains des créanciers d’une société s’accordent à suspendre toute poursuite contre la société pour le paiement de ses dettes, et ce pendant une période précise fixe – au moins un an et jusqu'à cinq ans. En contrepartie, la société s’engage à payer une proportion de ses créances pendant cette période, en général à partir de ses revenus ou de la vente d’actifs, ou des deux, comme convenu avec les créanciers. On trouve également des formules plus créatives :
- échanges de créances contre des parts dans la société ;
- contributions des mandataires sociaux ou de sociétés apparentées.

Ces variantes constituent l’exception à la règle, le paiement d’une proportion des créances à partir de revenus ou de vente d’actifs. Au terme de la période convenue, si la société a réussi à honorer le contrat avec ses créanciers, le solde de ses dettes disparaît. La société est alors libérée de toutes ses obligations vis-à-vis de ses créanciers, qui n’auront plus le droit de récupérer le solde.

Deux arguments en faveur du CVA :
- les créanciers, en permettant à la société de continuer d’exercer son activité commerciale au lieu d’entamer des poursuites pour le montant total de leur créance, devraient récupérer une proportion plus importante de la dette qui leur est due que s’ils provoquent la mise en liquidation de la société ;
- ils sont probablement payés plus tôt que si la société est mise en liquidation.
Si la société n’honore pas le contrat de CVA, la société sera alors mise en liquidation.

  • Mise en place de la procédure

Le mécanisme est supervisé par un tiers indépendant, liquidateur professionnel assermenté (« licensed insolvency practitioner », ou « LIP »), qui rédige le CVA, encadre les créanciers et fait office d’intermédiaire avec la société. Le LIP sera connu sous le terme de « Nominee » avant que le CVA ne soit approuvé. Une fois le CVA approuvé, le « Nominee » deviendra le « Supervisor ». Les créanciers recevront une lettre du LIP décrivant les termes du CVA qu’il leur soumet, et leur demande de :

1. compléter un formulaire de preuve de dette, confirmant la somme due et les justificatifs – typiquement des factures ;

2. établir une procuration autorisant une personne à voter à sa place (à la place du créancier) à la réunion des créanciers (en général il donne procuration au président de la réunion). En effet, même si les créanciers peuvent théoriquement venir en personne à la réunion des créanciers, dans les faits la plupart n’y assistent pas, car ils n’ont pas le temps et parce qu’ils savent que de toute manière leur influence sera limitée. Cette procuration permet au créancier de donner des instructions à son mandataire, sachant qu’il peut limiter sa marge de décision, en lui demandant par exemple de voter pour ou contre telle ou telle proposition du projet de CVA ; ou à l’inverse il peut lui donner une plus grande latitude en lui permettant de voter comme cela lui semble approprié sur toutes questions complémentaires qui seraient soulevées.

Pendant la réunion des créanciers, ces derniers votent pour ou contre le projet de CVA. Ils ont le loisir, avant ou pendant la réunion, de suggérer des modifications au projet de contrat. Si la société et le Nominee valident ces modifications, le projet modifié sera alors soumis au vote des créanciers. Bien que tout créancier puisse suggérer de tels changements, il est courant que seuls les créanciers importants, institutionnels, le fassent (banques, administration fiscale).

Le CVA doit être approuvé par plus de 75 % des votes des créanciers en valeur pour être mis en œuvre. Dans ce contexte, les créanciers n’incluent pas les créanciers préférentiels – ceux qui ont une garantie. Une fois approuvé, le CVA engage tous les créanciers, y compris ceux qui ont voté contre l’accord, ou qui n’ont pas voté. Dans certaines circonstances limitées, un créancier qui n’aurait pas été informé de la réunion peut remettre en question le CVA, mais il doit le faire rapidement, sous peine d’être également engagé par l’accord.

Une fois le CVA en place, le Supervisor contrôle les rentrées d’argent de la société et les utilise pour payer ses frais et distribuer le solde aux créanciers. Il peut s’écouler plusieurs mois entre la date de la réunion et la première distribution. Pendant la durée du CVA, le Supervisor publie des rapports annuels rendant compte de son activité à destination des créanciers.

Si la société ne respecte pas l’échéancier des paiements convenu, le Supervisor en avisera les créanciers. Si ces derniers donnent leur accord, le CVA peut être modifié, par exemple pour prendre en compte des circonstances qui ont évolué. Autrement, le CVA échouera et le Supervisor mettra alors la société en liquidation.

  • Le CVA, un pari qui en vaut la peine ?

Bien que cela puisse sembler contre-intuitif pour un créancier d’accepter une somme réduite en guise de règlement de sa créance sur une période s’étendant parfois sur plusieurs années, il est important de rappeler que dans la majeure partie des cas, l’alternative est la liquidation. Celle-ci ne génèrera pour les créanciers probablement pas plus qu’un paiement encore plus modeste, voire nul, sur une période au moins aussi longue. Dans la grande majorité des cas, les créanciers se résignent donc à parier sur le CVA .


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