Le représentant permanent dans la SAS : une solution utile pour les groupes

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Pierre-Louis Périn, avocat Associé au cabinet d'avocats Reed Smith ParisLa Cour d'appel de Caen a rendu un arrêt qui confirme que le président personne morale d’une SAS peut déléguer ses pouvoirs et désigner un représentant permanent. L'arrêt ordonne de bien porter le nom de ce représentant permanent sur le registre des sociétés. Il doit être déclaré au RCS et inscrit en tant que tel sur l’extrait Kbis de la SAS. Pierre-Louis Périn, avocat Associé au cabinet d'avocats Reed Smith Paris, commente cette décision.

Un arrêt de la Cour d’appel de Caen1 confirme une solution attendue par la pratique : lorsqu’une SAS a pour président une personne morale, celle-ci peut désigner un représentant permanent, qui sera inscrit sur le kbis de la SAS. 

Une délégation de pouvoirs (presque) générale

Ce représentant permanent n’est pas prévu par la loi, ce qui a suscité certains doutes, maintenant levés. En cohérence avec le régime de liberté d’organisation de la SAS (C. com., art. L. 227-5), il est reconnu que les statuts peuvent prévoir cette organisation.

Du point de vue de la personne morale présidente, il s’agit d’une délégation de pouvoirs. Cette délégation a des caractéristiques particulières. On sait que les délégations de pouvoirs spéciales, données par le président dans des domaines spécifiques telles que la gestion des ressources humaines, sont valides2 et qu’elles n’ont pas à être publiées3.

Mais lorsque la délégation devient générale, comme c’est le cas pour un représentant permanent, la question se pose différemment. Notons que certains pouvoirs peuvent être conservés par le représentant légal de la personne morale : il peut s’agir notamment des pouvoirs sociétaires que sont l’initiative des décisions collectives ou l’arrêté des comptes. On peut poser des limites aux pouvoirs du représentant permanent, notamment en ce qui concerne les actes de disposition (cf. C. civ., art. 1155 nouv.). Mais il peut être investi de pouvoirs larges, comprenant la relation avec les représentants du comité d’entreprise de la SAS (C. trav., art. L. 2323-66).

Une solution validée par la jurisprudence

Il faut que les tiers aient connaissance de cette organisation particulière, et la meilleure solution est l’inscription sur l’extrait kbis de la société, avec la désignation de la personne morale présidente, du nom de son représentant permanent. C’est la solution de l’arrêt de Caen, qui confirme des arrêts précédents4, auxquels le Comité de coordination du RCS (CCRCS) chargé d’harmoniser les positions des greffes avait choisi de résister5. Cet avis du CCRCS va devoir être revu ; dans cette attente, il sera possible de faire inscrire ces représentants par les greffes, au besoin en l’imposant par le juge commis à la surveillance du greffe, ce qui est une procédure simple et rapide (C. com., art. L. 123-6 et R. 123-139 s.).
Faut-il craindre une mauvaise information des tiers ? Tout au contraire. La cour de Caen reprend les arrêts précédents : « loin de compromettre la sécurité juridique, une telle mention qui renseigne sur l’organisation juridique de la SAS ne peut qu’être protectrice des intérêts des tiers, de la société elle-même et de la personne morale assurant sa présidence ».

Limiter la remontée de responsabilité dans les groupes

Comment tirer parti de cette organisation spécifique, avec un président personne morale et son représentant permanent ?
L’intérêt de ce type de représentation est surtout évident pour les groupes : on peut d’une part renforcer l’unité de direction, par la nomination aux fonctions de président des filiales d’une holding ou sous holding, et d’autre part organiser une vraie déconcentration des pouvoirs et un ancrage local par la désignation d’un représentant permanent étant un dirigeant territorial. Le remplacement du représentant permanent se fait par simple notification à la filiale SAS6, qui doit en assurer la publicité au RCS. On combine ainsi souplesse, efficacité et lisibilité de l’organisation.

Il faut prévoir cette possibilité dans les statuts de la SAS et définir les termes du mandat donné au représentant. Cette délégation de pouvoirs peut aussi comporter des éléments de délégation de responsabilité, sous les conditions classiques pour cette matière. Le représentant encourra les responsabilités d’un dirigeant de droit de la SAS . La personne morale présidente restera solidairement responsable des fautes commises par le représentant (C. com., art L. 228-7). La situation des dirigeants légaux de cette personne morale devra être examinée attentivement, au regard du même article de loi qui présume leur responsabilité, et des termes de la délégation7. C’est dans ce domaine que réside une vraie chance de protection des dirigeants du groupe, qui sans cela restent exposés aux responsabilités remontant des filiales.

Pierre-Louis Périn, Avocat associé, Reed Smith

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NOTES

1. CA Caen, 23 février 2017, n°16-02559, SAS Stef Transport Caen. Pour un commentaire plus détaillé, voir la note à paraître dans le Bulletin Joly Sociétés d’avril.
2. Cass. ch. mixte, 19 nov. 2010, n° 10-10095 et 10-30215, Bull. Joly Sociétés 2010, p. 981, note M. Germain et P.-L. Périn.
3. Rép. Min. du Luart, JO Sénat 9 sept. 2010, p. 2367.
4. Not. CA Paris, P. 5, ch. 8, 1er juill. 2014, n° 14/04247, SAS Stef Logistique Pays de Loire : Bull. Joly Sociétés nov. 2014, n° 112s6, p. 436, note P.-L. Périn.
5. CCRCS, avis n°2015-04 du 5 février 2015. 
6. Un tel représentant permanent a déjà été condamné au comblement du passif de la SAS qu’il dirigeait: Com. 19 nov. 2013, n° 12-16099, BRDA 24/13 n° 30.
7. M. Germain et P.-L. Périn, « SAS La société par actions simplifiée – Études - Formules », Joly éditions – Lextenso éditions, Coll. Pratique des affaires, 6° éd. 2016, n° 589.