Bienvenue dans la procédure civile du XXIème siècle ! - 1ère partie

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Jean-Olivier D'ORIA, avocat associé de SMITH D'ORIAArticle de Jean-Olivier D'ORIA, avocat associé de SMITH D'ORIA, à propos du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017.

Début mai, les Avocats ont eu la joie d’être informés de la publication de deux décrets portant une refonte majeure des règles de procédure civile, pourtant remaniées en 2006, 2009, et 2016. Le décret n°2017-892 du 6 mai 2017 porte diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile.

Communication électronique obligatoire devant le Tribunal de Grande Instance – La communication électronique devient obligatoire devant le Tribunal de Grande Instance en matière contentieuse pour les instances introduites à compter du 1er septembre 2019. Si elle est d’ores et déjà pratiquée par de nombreux Avocats depuis son introduction en 2009, les retours d’expérience varient selon les interlocuteurs, mais cette pratique s’est normalisée à l’usage. « Hackers » et impondérables informatiques constituent cependant le talon d’Achille de cette communication. Aussi, lorsqu'un acte ne pourra être transmis par voie électronique - pour une cause étrangère à celui qui l'a accompli - il pourra être remis sur support papier au greffe de la juridiction ou adressé par LRAR.

Intégration de la procédure participative dans le CPC – Initiée en 2016, la procédure participative est désormais régie par les articles 1546-1 et suivants du CPC. Le juge de la mise en état ordonne le retrait du rôle de l’affaire en cas de conclusion d’une convention de procédure participative. Devant la Cour d’appel, les délais pour conclure sont interrompus. Les actes contresignés par avocats sont consacrés et peuvent, dans le cadre de la procédure participative :

- Constater les faits qui ne l'auraient pas été dans la convention ;
- Déterminer les points de droit auxquels les parties entendent se limiter ;
- Convenir des modalités de communication de leurs écritures ;
- Prévoir le recours à un technicien ;
- Désigner un conciliateur de justice ou un médiateur.

L'affaire peut être rétablie à tout moment, à la demande de l'une des parties. Le Tribunal pourra tantôt homologuer l'accord, tantôt statuer sur le litige non résolu.

Réglementation des inscriptions sur les listes d’expert – Le décret consacre la possibilité d'un recours contre les décisions de retrait des listes d'expert et la motivation des recours contre les décisions de refus d'inscription.

Récusation d’un magistrat – La nouvelle rédaction de l’article 342 du CPC ajoute à la demande de récusation la possibilité de solliciter le renvoi de l’affaire, pour cause de suspicion légitime, devant une autre juridiction de même nature. La demande devra être présentée aussitôt que son auteur aura connaissance de la cause justifiant d’écarter le Magistrat ou l’ensemble de la formation de la juridiction. Elle ne pourra plus être faite, une fois la clôture des débats prononcée. La requête est nécessairement formée par Avocat devant le Premier Président de la Cour d’Appel et déposée au greffe de la Cour. A noter que la demande concernant plusieurs juges doit être formée dans une seule et même requête et que la demande visant le premier Président de la Cour ou la Cour dans son ensemble doit être présentée devant le Premier Président de la Cour de cassation. Enfin, lorsque la cause justifiant la révocation ou le renvoi pour cause de suspicion légitime est découverte à l'audience, la demande est formée par déclaration consignée par le greffier dans un procès-verbal adressé sans délai au Premier Président et dont une copie est conservée au dossier. A peine d’irrecevabilité, la demande doit indiquer les motifs de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime et être accompagnée des pièces justificatives. La requête une fois déposée, le Président de la juridiction ou le Magistrat concerné est invité à présenter ses observations. Si la requête présentée au Premier Président ne dessaisit pas le magistrat dont la récusation est demandée, ou la juridiction dont le dessaisissement est demandé, le Premier Président peut toutefois, après avis du procureur général, ordonner qu'il soit sursis à toute décision juridictionnelle jusqu'à la décision sur la demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime. Le Premier Président de la Cour doit statuer à bref délai - si la demande concerne un juge des libertés et de la détention - et au plus tard dans le mois de la demande, à compter de sa saisine, dans les autres cas. La décision rendue peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans les quinze jours de sa notification par le greffe. Toute demande abusive peut exposer son auteur au paiement d’une amende civile, d’un montant maximum de 10 000 €.

Un alignement des procédures orales sur la procédure écrite – Il est d’usage que les Avocats déposent des conclusions écrites devant les juridictions, nonobstant le principe de l’oralité de certaines procédures (Tribunal d’Instance / Juge des référés / Juge de l’exécution). Le nouvel article 446-2 du CPC commande, lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, que les conclusions déposées formulent expressément les prétentions, ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions des Avocats doivent comprendre distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens, ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Il ne saurait être suffisamment insisté sur l’importance de la rédaction du dispositif. En effet, le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. A ce titre, les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les écritures précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte, dans les écritures subséquentes. Enfin, les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles seront réputées les avoir abandonnés : le juge ne statuera que sur les dernières conclusions déposées à l’audience. Le décret reprend ici, avec un certain parallélisme des formes, les dispositions applicables aux procédures écrites devant le Tribunal de Grande Instance et la Cour d’Appel (articles 753 et 754 du CPC).

Une simplification des référés expertise – Le décret introduit un nouvel article 486-1 au CPC disposant désormais que, lorsque la demande en référé porte sur une mesure d'instruction exécutée par un technicien ou sur une mesure d'expertise, le défendeur qui a indiqué, avant l'audience, acquiescer à la demande, est dispensé de comparaître, sauf demande spéciale du Magistrat. La décision rendue dans ces conditions sera contradictoire. Il s’agit d’une consécration bienvenue d’une ancienne pratique que nombre de Magistrats, notamment à PARIS et sur l’Ile de France, avaient néanmoins abandonnée ces dernières années. Les audiences de référés vont ainsi certainement s’alléger et s’accélérer, pour le grand plaisir des praticiens.


Notifications internationales – Le décret procède à une simplification des règles applicables aux notifications internationales et crée un nouvel article 689-1 du CPC instaurant une disposition permettant à une partie demeurant à l'étranger de déclarer au greffe son élection de domicile en France, aux fins de notification à ce domicile élu des actes de procédure, de la décision rendue et des recours exercés.

Commissions rogatoires internationales – Le greffe de la juridiction commettante adresse au ministère public une expédition de la décision donnant commission rogatoire, à moins que la transmission ne s’effectue directement auprès de la juridiction ou de l'autorité étrangère compétente. La décision donnant commission rogatoire est accompagnée d'une traduction établie à la diligence des parties, à moins que ne soit autorisée sa transmission en langue française. Le décret consacre la compétence exclusive du Tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel la commission rogatoire doit être exécutée (nouvel article 735 du CPC) et institue dans le code de l'organisation judiciaire un juge chargé de surveiller l'exécution de ces commissions rogatoires. S’agissant des commissions rogatoires délivrées dans le cadre de la convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile et commerciale, le décret introduit un nouvel article 747-1 du CPC ouvrant la possibilité d'une exécution directe de la commission rogatoire par la juridiction étrangère, notamment par vidéoconférence, sans contrainte ni sanction possible.

Saisie des biens détenus par des Etats étrangers en France – Le décret modifie le code des procédures civiles d'exécution. Il définit notamment le régime procédural de l'ordonnance rendue sur requête par le juge de l'exécution pour autoriser les mesures conservatoires et d'exécution forcée portant sur les biens des Etats étrangers (dispositions prises en application de l'article 59 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, relatif aux immunités d'exécution des Etats étrangers). Le juge de l’exécution du Tribunal de Grande Instance de Paris devient ainsi seul compétent pour statuer sur les mesures conservatoires ou les mesures d'exécution forcée pouvant être mises en œuvre sur un bien appartenant à un Etat étranger, y compris saisie immobilière dudit bien.

Enlèvement international d’enfants – Le décret modifie également les dispositions procédurales relatives au déplacement illicite international d'enfants, en particulier pour mieux définir le rôle du procureur de la République en la matière et consacrer la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales d'une demande de retour d'un enfant illicitement déplacé.

Les dispositions nouvelles du décret n°2017-892 du 6 mai 2017 emportent assurément modernisation et adaptation de la procédure civile aux usages en vigueur et à la réalité des procès civils. Elles introduisent des moyens d’exécution plus efficaces contre les biens détenus par des Etats étrangers et permettront à la Justice du XXIème siècle de se développer à travers une systématisation de la Justice, que ce soit dans la présentation des demandes, que dans leur instruction et – souhaitons-le – le rendu des décisions de justice. Autant de prérequis et d’exigences de présentations qui permettront la convergence du BIG DATA et l’émergence d’une justice prédictive

Jean-Olivier D'ORIA, avocat associé de SMITH D'ORIA


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