L’adaptation des juristes à l’heure de la digitalisation

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Le Jeudi 11 avril 2019, le Cercle Montesquieu a organisé en partenariat avec Option Droit & Affaires, la huitième édition des Débats du Cercle à la Maison des Arts et Métiers à Paris. L’association, composée de directeurs juridiques, a ouvert une réflexion sur l’évolution du profil et des compétences des juristes dans le cadre de la transformation numérique.

"Quelle évolution du profil et des compétences des juristes à l’heure de la digitalisation ?", c’est la question à laquelle ont tenté de répondre les différents intervenants de cette table ronde, animée par Hervé Coindreau, responsable juridique Investissements directs de BpiFrance Investissement.

Repenser la digitalisation

Le constat est le suivant : l’évolution des outils, des modes d’organisation ou encore l’apparition des Legaltech amènent les juristes à revoir leur métier. Ainsi, Christian le Hir, Directeur juridique de NATIXIS affirme qu’"il y a une nécessité de repenser la digitalisation". Pour ce faire, il faut "laisser aux juristes le soin de déterminer quels outils ils pourraient mettre en place" précise-t-il. La démarche volontariste du professionnel du droit est ici attendue.
Cela passe aussi par la simplification du travail des juristes. Selon Christian le Hir "il faut évoluer sur les process afin de faciliter le travail du juriste, éviter les choses répétitives". C’est en ce sens que Eric O’Donnell, Head of legal operations chez TOTAL a annoncé "la création d’une plateforme commune qui permettra de partager les dossiers, afin qu’il n’y ait pas une multitude d’outils". Dès lors, fluidité et transparence sont les objectifs poursuivis.

Le juriste doit être acteur de la transformation numérique

Le juriste doit rechercher les outils nécessaires afin d’accompagner l’entreprise dans sa transition numérique. Cependant, la fonction juridique doit, elle aussi, opérer sa propre transformation. Le juriste de demain doit être curieux et agile. Tel est le message d’Audrey Deleris, Manager chez FED LEGAL. En plus de mettre en place des nouveaux outils, "il faudra regarder les softs-skills c’est-à-dire la capacité des personnes à travailler en projet, d’être curieux", explique-t-elle. "Aujourd’hui on ne cherche pas des juristes qui attendent d’être consultés mais ceux qui vont chercher des clients" renchérit Eric O’Donnell.
Le juriste "augmenté" ne peut pas se comporter de manière passive face à un tel changement dans l’organisation de ses fonctions. "Aujourd’hui nos clients font attention non seulement à la compétence technique des juristes mais aussi à leur capacité à être plus imaginatif face aux outils digitaux" constate Audrey Déléris.
D’après Bruno Deffains, professeur de Sciences Economiques, à l’Université Paris II Panthéon Assas "le juriste augmenté est le juriste à l’aise dans son environnement […] c’est donc le juriste libéré, capable de s’approprier ses produits" argue-t-il. Pour être acteur de son environnement, le juriste doit le maîtriser.

Une formation au monde digital pensée dès l’université

L’une des principales réflexions de ce débat était de savoir à quel moment le juriste devait s’approprier l’outil digital. La conclusion est la suivante : il est nécessaire de développer des formations dès le cursus universitaire.
C’est en ce sens que Bruno Deffains, a créé, il y a trois ans, le diplôme universitaire transformation numérique du droit et Legaltech à l’Université Paris II Panthéon-Assas. Ce diplôme a pour objectif d’aider les juristes en fin de formation à s’adapter à la transformation numérique et "ne vise pas seulement à donner une culture" mais aussi à "accompagner des jeunes gens dont le projet professionnel est de travailler dans le secteur des legaltech". Par ailleurs, il a annoncé qu’une "initiative de créer une association de toutes les formations dans les universités françaises qui veulent accompagner la formation des juristes" venait d’être mise en place.
Le monde juridique est donc partagé entre l’engouement suscité par l’apparition d’outils simplificateurs rendant le droit accessible à tous et la crainte de ne pas réussir à les maîtriser. L’engouement doit prendre le dessus car les outils numériques transforment positivement le métier. L’adaptation est donc le mot d’ordre. "Il faut que le monde du droit ne s’inquiète pas de ces évolutions, mais qu’il se les approprient" conclue Bruno Deffains. Le juriste ne doit pas subir les évolutions technologiques mais au contraire s’en saisir pour en tirer profit.

Flora Ait-Namane