Loi Pacte : intérêt social et enjeux sociaux et environnementaux au cœur de la gestion des sociétés

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Par Olivier de Precigout, Avocat, directeur associé du département Corporate M&A de Fidal Paris.

Un second alinéa ajouté par la loi Pacte à l’article 1833 du Code civil stipule qu’une société "est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité".

Les obligations imposées par ce nouvel alinéa sont impératives et s’appliquent à toutes les sociétés, quels que soient leur forme, leur objet ou leur taille. Un texte impératif qui s’applique à toutes les sociétés, quels que soient leur forme, leur objet ou leur taille.

Une société doit être gérée dans son intérêt social ...

Toute société a une personnalité juridique autonome de celles de ses associés. Elle a donc des intérêts qui lui sont propres et qui ne recoupent pas  nécessairement ceux desdits associés, fussent-ils communs à ceux-ci.

Les tribunaux retenaient déjà la contrariété à l’intérêt social pour sanctionner des comportements tels que l’abus de majorité ou l’abus de biens sociaux.
En offrant une consécration législative à l’intérêt social désormais érigé en principe général et impératif de la gestion de tout société, la loi PACTE affirme clairement sa primauté sur tout autre intérêt. Pour reprendre l’exposé des motifs de la loi, une société n’est pas gérée dans l’intérêt de personnes particulières, mais dans son intérêt autonome et dans la poursuite de fins qui lui sont propres. 

... en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité

L’obligation de prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux de son activité n’impose pas à une société de satisfaire d’autres intérêts que le sien.

Mais en gérant dans l’intérêt social de la société, ses dirigeants et organes sociaux devront, pour reprendre l’exposé des motifs de la loi, devenir « les acteurs d’une politique de gestion prenant en considération ces enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de leur société ». Ils devront donc « s’interroger et considérer avec attention » ces enjeux, ce qui devrait les conduire à prendre les mesures et à se doter des moyens nécessaires au respect de l’alinéa 2 de l’article 1833 du Code civil et propres à démontrer qu’ils s’y sont conformés. 

Un éventuel dommage social ou environnemental ne prouvera pas à lui seul que le second alinéa de l’article 1833 du Code civil n’a pas été respecté. Pour cela, il faudra démontrer que les enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de la société n’ont pas été pris en considération dans le cadre de la
gestion de la société ou lors de la prise de décisions.

Quelles conséquences ?

La loi PACTE a également modifié le Code civil pour exclure qu’une clause statutaire contraire au second alinéa de l’article 1833 puisse être sanctionnée par la nullité de la société ; une telle clause sera simplement réputée non écrite. Elle a également exclu qu’un acte ou une délibération d’une société violant cet alinéa puisse être annulé.

C’est donc sur le terrain de la responsabilité de droit commun qu’il faut rechercher les principales conséquences de la violation de l’article 1833 alinéa 2.

Celles des dirigeants et membres des organes sociaux tout d’abord, si toutes les conditions à la mise en jeu de leur responsabilité sont réunies : une faute (ne pas avoir respecté le second alinéa de l’article 1833), un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

La gestion de la société en contradiction avec son intérêt social ou sans prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux de son activité pourrait également motiver la révocation d’un dirigeant fautif.

La responsabilité des associés, voire celle de la société elle-même, pourrait-elle également être recherchée ?

Certains commentateurs l’envisagent favorablement, notamment sur le terrain de l’abus du droit de vote, pour les associés qui imposeraient par leurs délibérations une politique de gestion ou des décisions contraires à l’intérêt social de la société ou ne prenant pas en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.

La mise en cause de la société elle-même, fait débat. D’aucuns l’excluent, estimant qu’elle n’est pas elle-même chargée de sa propre gestion, laquelle relève de ses dirigeants. D’autres commentateurs considèrent au contraire que des dirigeants agissant dans le cadre de leurs fonctions ne sont que des
organes de la société. Celle-ci doit donc assumer les conséquences de la gestion et des décisions de ses dirigeants, y compris s’ils omettent de prendre en considération des enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de la société.

Olivier de Precigout, Avocat, directeur associé du département Corporate M&A de Fidal Paris.