L'avocat, plus que jamais en mal de visibilité ?

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Tribune de Philippe Wagner, co-fondateur de Captain Contrat.

66 958. C’est le nombre d’avocats que l’on dénombrait en France au 1er janvier 2018, en hausse de +38% sur 10 ans1.

Si ces derniers ont la possibilité de faire de la publicité, cette pratique est de fait peu courante, car elle est très encadrée au niveau règlementaire (cf. Loi Hamon de 2014 et décret de la même année). L'avocat qui souhaite démarcher des clients doit se plier à des modalités et des conditions très spécifiques.

Dès lors, comment se différencier et faire valoir son expertise ? Comment être identifié par les justiciables – particuliers comme patrons de petites entreprises - qui peinent eux-aussi à trouver les professionnels qui pourront répondre à tel ou tel besoin bien spécifique ?

Immobilier, santé, loisirs, voyage, biens de consommation… l’accès instantané à quantité d’informations grâce à internet révolutionne tous les secteurs de l’économie et le droit n’y échappera pas. Là où certains y voient une menace, les outils digitaux s’imposent aujourd’hui comme une opportunité pour faire le lien entre l’offre des avocats et les besoins auxquels ils peuvent répondre.

Être là où vont les particuliers et les entreprises en quête d’une aide juridique

Moins d’un français sur 10 déclare faire appel à un avocat pour répondre à ses questions juridiques2. Si on s’intéresse aux entreprises, 59 %3 des dirigeants de TPE – soit plus de 2 millions en valeur absolue – renoncent à faire appel à un avocat quand ils ont une problématique juridique ! Mais pourquoi ? Crainte de payer cher (55%), peur d’y passer trop de temps (47%) et… difficulté pour identifier le bon avocat (43%) … Résultat, ils sont 62% à déplorer le manque d’interlocuteur à qui se référer pour se renseigner quand ils en ont besoin et se tournent au choix vers un cabinet comptable qui n’a pas forcément les compétences ad hoc et, de plus en plus souvent, vers internet.

Comme évoqué plus haut, c’est une tendance de fond globale. Qu’il s’agisse d’acheter un bien immobilier ou une voiture, 90% des consommateurs débutent leur parcours sur internet, et le secteur du droit suit cette même tendance tout comme celui de la santé lui-aussi très réglementé.

Certains professionnels déplorent les dérives de la profusion d’informations sur internet, où l’on trouve tout et son contraire. Mais force est de constater que c’est ce qu'attendent aujourd'hui les consommateurs et que tous les professionnels doivent en tenir compte... faute de quoi leurs clients trouveront d’autres solutions, ailleurs.

Prendre la bonne vague du numérique pour créer une relation durable avec ses clients

Certains avocats ont bien compris l’enjeu représenté par les outils numériques, pour recréer du lien avec les consommateurs du droit mais aussi pour changer d'image : passer du rôle de "Celui que l’on consulte ponctuellement quand on n’a pas d’autre choix", à celui d’un business partner, expert dans les problématiques quotidienne et capable d'accompagner le particulier ou le professionnel.

L’avocat doit redevenir un interlocuteur créateur de valeur et faire évoluer sa pratique, jouer la carte de la transparence attendue, à la mesure des attentes des français.

La visibilité est devenue l’un des principaux challenges pour les avocats aujourd’hui. Avec l’avènement du “tout internet”, on peut être l’un des meilleurs experts dans son domaine, si on n’est pas visible, personne ne nous contactera… Alors comment améliorer cette visibilité en respectant toutes les règles de la profession ? Outre le conseil classique de porter une attention particulière à son profil sur les réseaux sociaux professionnels, il faut être présent et démontrer sa capacité à apporter des réponses aux questions des consommateurs du droit, au moment où ils font leurs recherches. Il convient aussi de donner de la visibilité aussi sur les délais, les coûts, bref répondre vraiment aux inquiétudes parfois irrationnelles, faute de connaissances… Il s’agit bien de jouer la carte de la transparence pour créer de la confiance et pouvoir se concentrer sur le plus important, l’expertise juridique.

Mais comment savoir ce que veulent vraiment les « consommateurs du droit » autour d’une expertise singulière ? Quels sont les verbatims, les mots clés utilisés, les termes recherchés ? Comment se retrouver à l’arrivée de ces recherches et être bien référencé sur mon domaine d’expertise ? Est-ce que mes articles seront vus ? Est-ce que l’information sera comprise ?

Les Legaltech : un allié pour développer sa visibilité et donc son activité

Nombre d'avocats disposent de peu de temps ou de peu de moyens (financiers et humains) pour alimenter un compte social ou un site internet. Pourtant, tous ou presque aimeraient développer leur visibilité en ligne auprès de clients qualifiés et parfois à l’autre bout de la France. Les Legaltech sont une alternative pour les accompagner dans leur transition digitale.

Les avocats souhaitant être référencés par l’une de ces structures bénéficient en effet d’efforts marketing mutualisés et donc moins coûteux et moins chronophages. Attention toutefois à bien identifier les forces et faiblesses de chacune d’entre elles.

Certaines plateformes ne sont finalement que des annuaires et manquent de ce fait leur objectif premier : crédibiliser l’avocat en lui permettant de transmettre son expertise au travers d’un effort d’information du consommateur du droit. Cette crédibilisation passe nécessairement par une sélection des meilleurs professionnels ainsi que par la possibilité offerte aux clients de donner leur avis sur la prestation pour garantir un service de qualité. Toujours la transparence…

Gageons que le développement de ces plateformes contribue à répondre, grâce aux avocats, aux nouvelles attentes des consommateurs du droit. En attendant, nous ne pouvons que nous réjouir que l’enjeu de visibilité des avocats soit de mieux en mieux compris par la profession qui, pour la majorité, ne voit plus les Legaltech comme des acteurs qui souhaitent les ubériser.

Philippe Wagner, co-fondateur de Captain Contrat

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1. Ministère de la Justice, 2018
2. Baromètre Odoxa pour le CNB, mai 2019
3. Sondage OpinionWay, 2019


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