Le rapport Clavel-Haeri veut renforcer la qualité de la formation des avocats

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Publié ce mardi 3 novembre, le rapport sur la formation des avocats de Sandrine Clavel, professeur de droit privé et sciences criminelles et Kami Haeri, avocat, a pour ambition de de renforcer l’exigence de qualité de la formation des avocats. Focus sur les principales propositions du rapport Clavel-Haeri.

Les propositions du rapport Clavel-Haeri sont le fruit d'un groupe de travail créé en novembre 2019 à la demande du directeur des affaires civiles et du Sceau (DACS) Jean-François de Montgolfier, et présidé par Sandrine Clavel, professeure de droit privé et sciences criminelles à l’université de Versailles Saint-Quentin, et Kami Haeri, avocat.

Rationnaliser et donner de la lisibilité à la formation

Le texte formule non seulement un ensemble de propositions mais aussi les modifications législatives et réglementaires pour la mise en application de ces propositions. « Il s’agit d’adapter la formation des avocats aux exigences d’aujourd’hui de la profession et de donner une cohérence à l’ensemble de la chaîne de formation. Notre volonté est aussi de rationnaliser et donner de la lisibilité à la formation pour revenir à des choses plus fondamentales permettant de réunir l’ensemble des avocats », explique Kami Haeri.

Accès à la profession d'avocat : recentrer l'examen sur les fondamentaux

Le premier changement, en ce qui concerne l'accès à la profession d'avocat, est de modifier la condition de diplôme exigé pour pouvoir intégrer une école d’avocats en relevant le niveau du diplôme exigé du niveau maîtrise en droit au niveau Master. « Ce n’est plus en phase avec l’organisation des diplômes à l’université depuis le passage au système LMD. Il est plus que temps de mettre en conformité les textes avec le nouveau système », indique Sandrine Clavel.

S'agissant de l'examen d'entrée aux centres régionaux de formation professionnelle des avocats,  « la commission a essayé de voir si on pouvait aller plus loin que la réforme de 2016 qui a opéré un début de nationalisation de l’examen. Il n’est pas envisageable pour le moment d’organiser un grand examen national en raison des coûts engendrés », poursuit Sandrine Clavel. 
Cependant, le rapport recommande de centraliser les corrections des épreuves d’admissibilité en confiant à la commission nationale de l’examen d’accès aux CRFPA la redistribution des copies à l’ensemble des centres d’examen à l’échelle nationale avec la mise en place d'une plateforme nationale sur laquelle toutes les copies seront chargées. « Pour que ce système fonctionne, il faut une procédure nativement numérique : les étudiants composeront sur ordinateur. La nature des examens devra changer en conséquence avec un accès à la documentation par exemple », précise Sandrine Clavel.

Sur le contenu de l’examen, le groupe de travail a souhaité le recentrer sur les fondamentaux. Les épreuves d’admissibilité, sont au nombre de trois :
- une consultation de 5 heures en droit civil / procédure civile ou droit administratif / procédure administrative au choix du candidat,
- une note de synthèse de 5 heures,
- un QCM de 80 questions de déontologie générale et de l’avocat en 1 heure.
Le grand oral reste axé sur les libertés publiques en incluant le droit pénal.

« Nous avons choisi de supprimer l’épreuve de spécialité puisque les étudiants ont un niveau master, et donc ont tous suivi une spécialité. L’examen est là pour contrôler qu’ils maîtrisent les fondamentaux », ajoute Sandrine Clavel.
A noter que l’admissibilité ne compense pas l’admission, c'est-à-dire qu’il faut avoir la moyenne aux deux séquences pour intégrer une école d’avocats.

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Enseignement dans les écoles d'avocat : une scolarité de 12 mois maximum épreuves du CAPA comprises 

En ce qui concerne la scolarité des avocats, le rapport propose de la ramener de 18 à 12 mois, épreuves du CAPA comprises. Elle se compose de trois mois de formation théorique et de 9 mois de stages (stage en cabinet d’avocat et un stage optionnel chez d’autres professionnel).
Il serait également possible de prolonger la scolarité d’1 an supplémentaire avec un stage auprès d’un professionnel du droit (hors stage avocat), le cas échéant en dehors de l’Union européenne.
Selon Kami Haeri, « cela va obliger les écoles à se recentrer sur des formations essentielles (déontologie, foisonnement...)».

Le groupe de travail a également voulu simplifier le CAPA pour « lui donner une cohérence, une plus grande efficacité et, partant, une valeur plus forte ». Il a choisi de recentrer l’examen final sur les connaissances professionnelles et fondamentales du futur avocat, en supprimant toutes les épreuves écrites et en conservant uniquement l'épreuve orale.

L’obtention du CAPA serait évaluée à partir d'une note de contrôle continu et de la note du grand oral. La notation résultant du contrôle continu serait composée d’une note générale portant sur l’assiduité du candidat et la qualité de ses travaux écrits et oraux, et d’une note de déontologie représentant la moyenne des notes obtenues par les élèves à des QCM. La notation résultant du grand oral serait constituée d’une plaidoirie sur un dossier tiré au sort par les candidats 15 jours avant l’oral, d’une discussion avec le jury portant sur cet exercice et sur le rapport de stage, et d’un oral de déontologie sans préparation de 20 minutes.
Cet exercice donnera lieu à trois notes distinctes, étant précisé que la note finale de déontologie sera composée à 50% de la note précitée de contrôle continu (via des QCM) et à 50% de la note d’oral.
A noter que le groupe de travail souhaite instaurer, pour l’épreuve de déontologie, une note éliminatoire de 10/20.

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Enfin, le rapport recommande d’ajouter le manquement à la dignité à la liste des fautes déontologiques commises par un élève-avocat susceptible d’être sanctionnées disciplinairement pour « diffuser l’idée selon laquelle les principes déontologiques qui gouverneront la vie de l’avocat doivent être mis en œuvre dès la scolarité ».

Adapter la formation continue

Sur la formation continue, l'objectif est de « redonner à la formation continue une profondeur de champ, lui redonner du sens et l’adapter aux exigences contemporaines», détaille Kami Haeri. « Nous avons non seulement décidé de maintenir l’obligation de formation continue en déontologie mais aussi en gestion de cabinet afin de permettre à l’avocat d'avoir une approche plus entrepreneuriale.». Le groupe de travail suggère aussi d'instaurer une mesure facultative d’omission en cas de non-respect de l’obligation de formation continue.

Faciliter les conditions d’obtention des certificats de spécialité

La lettre de mission demandait de réfléchir à des modalités de revalorisation des certificats de spécialisation dans l’esprit de qualité du service rendu offert par l’avocat. « L’assouplissement des conditions d’obtention des certificats de spécialisation passe par une meilleure reconnaissance de l’activité effective des avocats. Certains avocats publient, enseignent dans une discipline. Tout ce travail de fond fait par les avocats doit pouvoir être valorisé dans un système de spécialisation qui leur éviterait de passer dans un système de jury plus contraignant », détaille Sandrine Clavel.

Arnaud Dumourier (@adumourier)


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