Edouard Philippe : « Vous avez saisi les enjeux du numérique et vous savez que cette transformation vient bousculer l'organisation traditionnelle de votre profession »

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Le Premier ministre, Edouard Philippe a présenté, vendredi 20 octobre 2017 à l'occasion de la Convention nationale des avocats, deux des cinq chantiers de la justice : la transformation numérique de la justice et l'adaptation de l'organisation judiciaire. Il a également évoqué les pistes envisagées par le gouvernement pour réformer l'aide juridictionnelle.

Pour la première fois, un Premier ministre s'est exprimé devant les avocats à l'occasion de leur Convention nationale. Edouard Philippe est intervenu ce vendredi 20 octobre 2017 au Parc des expositions de Bordeaux lors de la 7ème édition de la Convention nationale des avocats. Il a détaillé deux des cinq chantiers de la justice (la transformation numérique de la justice et l'adaptation de l'organisation judiciaire) et précisé qu'il compte sur les avocats dans les travaux de concertation qui les accompagnent. 

« Vous avez saisi les enjeux du numérique et vous savez, vous l’avez dit, que cette transformation vient bousculer l'organisation traditionnelle de votre profession, elle peut venir bousculer son financement, ses règles de déontologie. »

Transformation numérique

En ce qui concerne la transformation numérique, le Premier ministre a indiqué que le gouvernement allait y consacrer des « moyens importants dans le cadre du projet de loi de finance pour 2018 et des moyens importants dans le cadre des projets de loi de finance qui suivent »« Nous allons en profiter pour regarder de manière précise ce qu’il est possible de faire en termes de suivi des procédures par les justiciables, de dématérialisation et d'organisation du travail pour les avocats, pour les magistrats, pour tous ceux qui concourent à la chaîne, qu'elle soit civile, pénale, à tous ceux qui vivent et qui font vivre la justice », a précisé Edouard Philippe.

« Je sais que de nombreux avocats investissent le champ de la « legal tech » comme on dit. Je pense qu'il faut y voir là un potentiel extraordinaire de développement, certains identifient quelques risques peut-être, je suis d’avis de ne pas s’arrêter aux risques et d'avancer résolument en préservant les principes qui vous animent. »

Ce chantier  s'inscrit dans la démarche plus large « action publique 2022 ». qui prévoit notamment d’ici 2022 la numérisation de l'intégralité des procédures civiles et pénales. Pour Edouard Philippe, si le numérique bouleverse l'« organisation traditionnelle de la profession », son financement, ses règles de déontologie, la relation numérique ne doit pas remplacer la relation humaine entre l'avocat et son client ou entre l'avocat et le juge : « Le thème de votre Convention nationale, « Economie numérique et territoires », montre que vous avez saisi les enjeux du numérique et vous savez, vous l’avez dit, que cette transformation vient bousculer l'organisation traditionnelle de votre profession, elle peut venir bousculer son financement, ses règles de déontologie. Je veux dire, comme vous l’avez indiqué, que la relation numérique qui va se développer et s’imposer, ne remplacera jamais et ne doit pas remplacer la relation humaine avec celui qui a besoin d'un conseil juridique, non plus d'ailleurs qu’elle ne doit faire cesser la relation humaine avec le juge qui tranche le litige. Oui au numérique en ce qu’il facilite, non au numérique en ce qu'il interdirait le contact humain et la dimension humaine de la justice avec tout ce qu’elle apporte en positif. »

Edouard Philippe a également évoqué la « legal tech » qui bénéficie d'un « potentiel extraordinaire de développement ». Si « certains identifient quelques risques peut-être, je suis d’avis de ne pas s’arrêter aux risques et d'avancer résolument en préservant les principes qui vous animent », a ajouté le Premier ministre. Par ailleurs, Edouard Philippe voit également dans le numérique un « moyen de garantir l'accès au droit pour nos nouveaux citoyens et, au-delà, un accès facilité à des modes alternatifs de résolution des litiges (la médiation, l’arbitrage). »

« L'institution judiciaire ne doit pas déserter les territoires et nous ne voulons pas d’une justice sans contact. »

Adaptation de l'organisation judiciaire

S'agissant du chantier de l'organisation judiciaire, le Premier ministre a voulu rassurer les avocats en tentant de répondre à leurs inquiétudes exprimées notamment à Metz, à Nantes, à Sarreguemines, à Thionville à propos de la carte judiciaire. S'il a reconnu ces inquiétudes légitimes, il a rappelé que Dominique Raimbourg et Philippe Houillon sont chargés de mener la réflexion sur la carte judiciaire dans le cadre des cinq chantiers de la justice.
Il a aussi précisé sa ligne de conduite : « L'institution judiciaire ne doit pas déserter les territoires et nous ne voulons pas d’une justice sans contact. Je souhaite que partout, on renforce les services d'accueil des justiciables. Il m'apparaît qu'il existe un espace de liberté, de souplesse qui doit nous permettre de nous organiser plus efficacement - c'est dans notre intérêt collectif - pour tenir compte des possibilités offertes par le numérique pour s’adapter à la spécialisation accrue des contentieux quand il y a eu lieu de le faire et pour garantir une gestion efficace, optimale de l’administration de notre justice. »

« Depuis 4 ans, l’Etat conduit une réforme progressive de l'aide juridictionnelle dont les objectifs sont de simplifier, de mieux rétribuer les avocats, de trouver de nouvelles ressources, de contractualiser aussi avec les barreaux pour adapter l’aide aux spécificités. Ces efforts ont, je crois, porté des fruits. »

Aide juridictionnelle

Enfin, Edouard Philippe a conclu son intervention en évoquant les pistes de réforme de l'aide juridictionnelle.
« Depuis quatre ans, l'Etat conduit une réforme progressive de l'aide juridictionnelle, dont les objectifs sont de simplifier, mieux rétribuer les avocats, trouver de nouvelles ressources, contractualiser aussi avec les barreaux pour adapter l'aide aux spécificités des ressorts », a rappelé le chef du gouvernement. « Ces efforts ont (...) porté des fruits, peut-être pas tous leurs fruits, mais ils ont porté des fruits », a-t-il poursuivi.
Cependant, le Premier ministre a également relevé l'augmentation continue du coût de l'aide juridictionnelle. Aussi, il demandera « d'ici quelques jours » à une mission conjointe de l'Inspection générale des Finances (IGF) et de l'Inspection générale de la Justice (IGJ) « de travailler sur ce sujet » qui devra rendre ses conclusions « d'ici le 15 janvier ».

Edouard Philippe a énuméré les principales pistes tout en assurant ne vouloir en écarter aucune. «  Il y a la possibilité d'étendre la prise en charge des frais des justiciables par l'assurance de protection juridique, en renforçant la solidarité de l’aide juridictionnelle. Autre piste évoquée, notamment, par le Président de la République durant la campagne : la création des structures d'avocats dédiées à l’aide juridique ainsi que la possibilité de salarier des avocats pour accomplir des missions d’aide juridictionnelle. Enfin, certains plaident en faveur de la création dans les universités et les écoles d’avocats, de structures comparables aux internats dans les hôpitaux. »

Arnaud Dumourier (@adumourier)