Christiane Féral-Schuhl : « Le droit est un amortisseur social et un aiguillon économique »

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Au cours de la 6ème édition des e-débats du CNB qui s’est tenue mardi 12 mai 2020 sur le thème « Droit du travail : quelles réalités, quelles perspectives en temps de COVID-19 ? », Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, a rappelé l’importance du rôle tenu par le droit, les partenaires sociaux et les avocats en période de crise sanitaire et de la reprise de l’activité économique.

 « Droit du travail : quelles réalités, quelles perspectives en temps de COVID-19 ? », tel fut le thème de la 6ème édition des e-débats du CNB qui s’est tenue mardi 12 mai 2020 en présence de Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux, François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Yves Veyrier, secrétaire général du syndicat Force ouvrière (FO), Laurence Junod-Fanger, avocate au barreau de Lyon, ancien bâtonnier, vice-présidente de la commission textes du Conseil national des barreaux et Rachel Saada, avocate au barreau de Paris, membre de la commission Textes du Conseil national des barreaux, spécialiste en droit du travail et Xavier Autain, avocat au barreau de Paris, président de la commission Communication du Conseil national des barreaux.

Suivie par plus de 500 inscrits, cette conférence a été l’occasion pour Christiane Féral-Schuhl de saluer la présence des deux représentants syndicaux en rappelant « toute l’importance que les partenaires sociaux attachent à la mission et au travail des avocats », évoquant par la même occasion leur rapprochement pendant la période de lutte contre la réforme des retraites. A ce sujet, la présidente a souligné que la réforme n’était selon elle que « suspendue », et donc susceptible de revenir sur le devant de la scène parlementaire.

En outre, Christiane Féral-Schuhl a fait part de ses appréhensions concernant les dispositions de l’article 3 du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 qui prévoit  le « dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités des personnes morales soumises aux règles de la comptabilité publique et d’organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public », craignant pour le devenir des trésoreries des caisses de retraite autonomes. Ce sujet faisait, dans le même temps, débat en Commission spéciale à l’Assemblée nationale : le rapporteur du projet de loi ainsi que le ministre Marc Fesneau, chargé des relations avec le Parlement, ont précisé que les CARPA n’étaient pas concernées. A noter, que le projet de loi sera examiné en séance publique à partir de jeudi 14 mai à 9h00.

La présidente a souligné que « l’urgence sanitaire [avait] déclenché une urgence économique, une urgence sociale, une urgence démocratique » et qu’avocats et partenaires sociaux avaient une mission de premier plan dans la construction et la poursuite du dialogue social. Dans des temps confus où la recherche des équilibres semble de mise, Christiane Féral-Schuhl a rappelé le rôle du droit « comme amortisseur social et comme aiguillon économique ».

Face aux nombreuses questions posées au cours de la séance et qui ont porté sur l’organisation du travail pendant et post-confinement, le dialogue social, la garde d’enfant, le chômage partiel, le droit de retrait, le télétravail, les tests de dépistage Covid-19, le souhait de reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle, la lente reprise des juridictions prud’homales, les risques de licenciements (économique ou personnel) et la responsabilité de l’employeur, la présidente a relevé qu’avocats et partenaires sociaux avaient « une mission d’information, une mission de clarification du droit dans ce contexte inédit » où les tâtonnements dominant entraînent une « appréciation des risques ».

Pour faire face aux risques de licenciements économiques, conséquence d’un niveau de production et de productivité non retrouvé du fait du respect des conditions sanitaires qui désorganisent les entreprises et mettent de côté certains salariés, on soulignera les quatre leviers axés sur la formation proposés par François Asselin au cours de cette conférence : proposer aux salariés « désœuvrés » de suivre une formation qualifiante, ils pourront alors être réemployés à d’autres fonctions au moment où l’activité sera à nouveau à taux plein ; imaginer la mise en place de l’alternance pour tous, y compris pour ceux qui sont en chômage partiel, qui reposerait sur une « sorte de contrat d’apprentissage maison » leur donnant l’occasion de bénéficier là aussi d’une formation qualifiante ; proposer aux apprentis qui devaient terminer leur contrat cet été ou à la rentrée une prolongation d’un an reposant sur une formation complémentaire qualifiante pour leur proposer un CDI à la clé, la situation actuelle ne le permettant pas ; trouver des entreprises aux futurs apprentis et amortir le coût de l’apprentissage pour que la société puisse « continuer à faire cet effort d’accueil », sachant que dans les PME l’apprentissage est souvent l’unique solution pour trouver des salariés qualifiés.

Concernant la responsabilité des employeurs, Yves Veyrier a interpellé les pouvoirs publics pour l’établissement d’une politique plus encadrée répartissant les responsabilités des différents acteurs liés au donneur d’ordre (client, fournisseur, sous-traitant…). Quant à Christiane Féral-Schuhl, elle a repositionné le débat autour de la nature de leurs obligations au titre de la préservation de la santé : obligation de moyens ou obligation de résultat ? « Entre les deux natures d’obligation il va falloir trouver un équilibre. Alors l’un d’entre vous (NDRL : François Asselin) a évoqué cette obligation de moyens renforcée… oui il y a matière à jurisprudence, à réflexion », a-t-elle relevé. A cela, la présidente a rappelé que pouvait être prise en compte la responsabilité du salarié : celui qui, par exemple, cache à son employeur le fait que son conjoint est atteint du Covid-19 et qui, malgré tout, se rend sur son lieu de travail. Pour trancher sur toutes ces questions, Christiane Féral-Schuhl a conclu qu’il fallait faire confiance à l’intelligence collective.

Maire Beau


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