Les avocats parisiens inquiets des menaces qui pèsent sur les libertés des français

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Pour 68 % des avocats parisiens, la crise sanitaire a fait émerger l'importance des libertés individuelles. Or, ces derniers font le constat que la politique de santé publique prime sur les libertés individuelles selon le baromètre des droits du barreau de Paris sur la sécurité sanitaire et les libertés publiques réalisé par MRCC.  

Etat d'urgence sanitaire, confinement, tracking numérique, et bientôt couvre-feu. La crise sanitaire a bouleversé les droits et libertés des citoyens. C'est pourquoi le barreau de Paris a mis en place l'observatoire des droits "Sentinelle des libertés". C'est dans ce cadre que le 1er *baromètre des droits sur la sécurité sanitaire et les libertés publiques a été réalisé. 

A l'occasion de la présentation des résultats de ce baromètre à la Maison de Avocats de Paris le 15 octobre 2020, Olivier Cousi, bâtonnier de Paris, a souligné que « les  avocats du barreau de Paris ont toujours été dans une position d'intermédiaires, de facilitateurs, de transmettre le droit vis-à-vis de leurs clients et de l'extérieur en général. Nous avons une responsabilité juridique comme avocat, mais aussi comme institution, pour le barreau de Paris dont je suis le bâtonnier, sur la manière dont peuvent être acceptées les restrictions aux libertés publiques ». Il s'est dit aussi préoccupé de l'absence de débat sur ces questions. Il faut réfléchir sur la motivation des atteintes aux libertés. «L'intérêt de ce baromètre est de mettre en perspective les restrictions des libertés et de voir comment elles peuvent s'adapter à une situation donnée ».

Prise de conscience d'une responsabilité envers les autres

Pour 84 %, le risque de contamination a alerté les Français sur leur responsabilité envers les autres. Et pour 76 %, le confinement a mis en évidence l'importance des libertés individuelles. Ils sont partagés sur la primauté de la liberté individuelle sur la politique de santé publique (43 % pour, 50 % contre, 8 % sans opinion). 
«A l'occasion de cette crise sanitaire, nous nous rendons compte de la fragilité de notre modèle, de nos libertés, que nos libertés sont éphémères, précaires. Tant que les français ne sont pas touchés touchés directement dans leur vie quotidienne, ils sont toujours pour la restriction des libertés. Lorsqu'il s'agit de leur propre liberté personnelle, ils sont déjà beaucoup moins pour. Cela montre bien que l'adhésion à la règle est un point fondamental. Si les Français n'adhérent pas aux mesures, elles seront privées d'effet », commente Olivier Cousi.

Pour les avocats, la crise a également renforcé la conscience de responsabilité envers les autres (80 % d'accord). Pour 68 %, elle a fait encore émerger l'importance des libertés individuelles. Les avocats font le constat que la politique de santé publique prime sur les libertés individuelles (71 %).

Respect des libertés individuelles

Aujourd'hui, 55 % des français ne perçoivent pas de menace de leurs libertés individuelles mais 42 % estiment qu'elles sont de plus en plus menacées.
« Ce chiffre est surprenant. Les avocats ont un rôle à jouer pour combattre les coups portés aux libertés individuelles. Il faut qu'il y ait un débat sur les atteintes portées aux libertés individuelles. Les avocats devront être vigilants sur ce qu'il restera de cet état d'urgence sanitaire. Il ne faudrait pas que le droit positif se nourrisse de règles exorbitantes qui porteraient de manière définitive atteinte aux libertés individuelles » a réagi  Renan Budet, avocat au barreau de Paris, co-responsable de la commission ouverte droit de la Santé.

En revanche, pour 60 % des avocats du barreau de Paris, les libertés individuelles sont aujourd'hui menacées en France et s'inscrivent dans une mauvaise dynamique : 66 % estiment qu'elles sont de plus en plus menacées

Un climat social délétère

Pour 58 % des Français, les dénonciations sont révélatrices d'un climat social délétère, elles ne sont légitimes que pour 27 % d'entre eux. Près de 3 avocats sur 4 sont d'accord pour dire que les dénonciations sont révélatrices d'un climat social délétère.

Quelle acceptabilité des mesures ?

Face à la crise sanitaire, la majorité des français sont prêts à accepter de nombreuses mesures qui réduisent leurs libertés individuelles.
Seul le traçage téléphonique est significativement controversé, rejeté par 63 % des Français.
Les avocats parisiens sont beaucoup plus distants avec une moyenne d'accord sur les mêmes mesures de 56 %. 

A plus de 90 %, les Français comme les avocats acceptent le port du masque obligatoire dans les lieux publics et les commerces ainsi que les tests de dépistage systématiques. Les interdictions de rassemblement de plus de 10 personnes et interdiction de manifester, le confinement des personnes à risque, la prise de température systématique au moment d'entrer dans les lieux publics recueillent l'accord de 8 français sur 10 mais les avocats sont un peu plus distants.

Les avocats sont contre, à l'inverse des Français, à propos de la quarantaine hors domicile des patients infectés, la fermeture des commerces non indispensables, la fermeture des transports publics, la généralisation des caméras et le confinement des personnes de plus de 65 ans. 

« Cette très grande acceptation des mesures de restrictions des libertés est surprenante avec un paradoxe : à la fois les Français sont prêts à aller très loin dans l'acceptation des mesures à une large majorité (80 %) et à la fois le chiffre s'écroule quand il s'agit de se soumettre à une vaccination obligatoire - quand cela sera possible - qui serait de nature à restaurer les libertés » indique Anne Levade, membre du collège de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, présidente de l’Association française de droit constitutionnel.
Karine Lacombe, chercheuse et infectiologue, spécialiste du VIH et des hépatites, cheffe de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, explique que la cette résistance à la vaccination contre la covid-19 témoigne de la contamination de  la France est le « seul Etat en Europe où il y a une contestation assez violente du savoir médicale à cause de l’émergence d’un populisme scientifique ».

Arnaud Dumourier (@adumourier)

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*Enquête réalisée entre le 8 et le 22 juillet 2020 auprès de 1.001 personnes construisant un échantillon représentatif de la population française de 18 ans et plus  (Méthode des quotas mis en place sur les questions sociodémographiques) et 645 avocats inscrits au barreau de Paris.


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