Interview de Florence Bernigard et Rabah Hached, Candidats au Conseil de l’Ordre de Paris

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En partenariat avec Le Monde du Droit, le Club AvoTech, premier « do tank » des avocats créateurs de legaltech en France, a décidé d’interpeller les candidats au Conseil de l’Ordre de Paris, sur leur vision de l’avocat de demain. Aujourd’hui, Florence Bernigard et Rabah Hached répondent aux questions de Mathieu Davy, Avocat et Président d’AvoTech.

Quelle est votre vision de l’avocat de demain ?

L’avocat de demain sera nécessairement entrepreneurial et si possible geek. L’avènement des legaltech a bouleversé le marché du droit. C’est une remise en question majeure de notre métier d’avocat, de notre façon d’exercer mais aussi de nos modes de tarification. Notre positionnement passe désormais par une présence numérique forte, le développement d’outils de compliance facilitant l’accès au droit pour les justiciables en amont et l’adoption d’outils nous permettant de nous libérer des tâches les moins productrices de valeurs pour peu que ces outils répondent à nos vrais besoins, ils peuvent devenir un vecteur de croissance et de diminution de nos coûts de production.

Les avocats peuvent-ils se passer du numérique, des plateformes ?

Difficilement, à notre sens. Le numérique est devenu incontournable. S’il est possible de gérer sa communication et sa présence numérique hors des plateformes, cela nécessite non seulement des compétences mais également des investissements et du temps pour une solution opérationnelle. Les plateformes peuvent constituer un outil de développement et un accélérateur de croissance pour les avocats dans un certain nombre de matières et à moindre coût. Il nous semble que cela pose néanmoins des questions en termes de confidentialité des données, secret professionnel et responsabilité qu’il convient d’encadrer. Nous sommes favorable à un « label rouge ordinal » qui serait un gage tant pour les consommateurs que pour les avocats eux-mêmes et obligerait les prestataires à jouer le jeu de la profession, se soumettre de manière volontaire aux contrôles test de l’Ordre et à améliorer le service rendu au risque de se voir inscrit sur la liste des plateformes non conformes aux règles déontologiques et à la protection des données.

Selon une étude récente, 85% des justiciables confrontés à une situation juridique vont sur internet pour tenter de la résoudre, qu’est-ce que cela vous inspire ?

C’est un fait acquis qu’internet est un formidable outil de vulgarisation du droit. Cela participe d’une mutation des exigences du consommateur en terme d’accessibilité immédiate non seulement à l’information juridique mais à la résolution de problèmes juridiques du quotidien et ce, à titre gratuit. Il y a une vrai demande du justiciable à comprendre par lui-même l’étendue de ses droits et parfois challenger son conseil. Toutefois, le service gratuit n’existe pas. Les modèles économiques restent à inventer. De ce point de vue, la communication sur internet apparaît comme un vecteur d’identification des compétences des avocats et de reconnaissance accessible sans grandes difficultés aux avocats. Les legaltech constituent, quant à elles, un investissement financier non négligeable, sans garantie de succès.

A ce titre, êtes-vous pour une extension, ou une restriction, de l’application du fameux article 111 du décret Macron qui permet à l’avocat de créer, à côté de son cabinet, une activité commerciale, connexe et accessoire, à son activité ?

Nous sommes tout à fait favorables à l’extension des activités commerciales, connexes et accessoires à l’activité d’avocat (notamment agent sportif, intermédiation, …), mais nous souhaitons que ces champs soient précisés en termes de périmètre, de modalités d’exercice, d’assurance professionnelle effective et de financement qui ne compromette pas l’indépendance de manière à garantir aux avocats d’exercer sereinement dans un cadre clair.

Voyez-vous les legaltech, comme des alliés des avocats, ou des adversaires ?

Objectivement, les legaltech constituent des concurrents pour les avocats dès lors qu’il n’y a pas d’égalité des armes avec les legaltech. Nous les voyons plutôt comme des alliés en BtoB et sommes plus mesurés en BtoC si elles ne sont pas conçues si ce n’est par des avocats mais à tout le moins en collaboration avec des avocats. La vulgarisation du droit et l’automatisation de documents juridiques pour les particuliers seront-elles faites au détriment des consommateurs ? Quels seront leurs recours ? Quelles seront les garantie et assurances de ces plateformes ? Le sort des données personnelles collectées ?

Etes-vous pour que les avocats dirigent les legaltech de demain ?

Tout à fait, cela nous semble indispensable. Le droit est en évolution constante, les pratiques aussi et les legaltech devront s’adapter en permanence.

Vous dites être favorable à un label ordinal «legaltech d’avocats » ?

Nous y sommes plus que favorables pour autant que cela résulte d’un cahier des charges précis établi à partir de critères objectifs, transparents et non discriminatoires de telle sorte que ce label ne puisse pas être considéré comme ayant pour objet ou effet de restreindre l’accès au marché à des legaltech créé par des non avocats.

Quelles seraient vos actions pour stimuler l’entrepreneuriat du barreau ?

Sur le plan réglementaire, Obtenir des pouvoirs publics la levée ou à défaut l’assouplissement de l’interdiction des pactes de quota litis (honoraires fixés exclusivement en fonction du résultat du litige), sachant que cette réflexion est actuellement menée par le CNB. Sur le plan structurel et organisation, Obtenir des pouvoirs publics la personnalité morale pour les Associations d’avocats à responsabilité personnelle individuelle (AARPI) afin de les rapprocher du régime juridique des Limited Liability Partnership de droit anglais, Obtenir la non-application de l’article 238 bis K du CGI auxdites association lorsqu’elles sont mixtes de manière à favoriser les rapprochement entre cabinets d’avocats avec des structures commerciales ad hoc pour les activités connexes de manière à isoler le cabinet des défaillances éventuelles de l'activité commerciale et de permettre l'entrée d'associés non avocats et de capitaux extérieurs nécessaires au développement de ces activités.

Comment entendez-vous aider les avocats à créer leur entreprise à côté de leur cabinet ?

Développer au sein de l’Ordre des ateliers à destination des confrères et créer le Kit de l’Avocat créateur d’entreprise en assurant conseil, formation et accompagnement au business plan et aux différents modes de financement (investisseurs start-up, investisseur en amorçage, en capital risque, business angel, crowdfunding).

Si vous veniez de prêter serment, cette année, quels seraient vos réflexes pour vous lancer dans la Profession, et développer votre réseau, et donc votre clientèle ?

J’investirai du temps sur des plateformes sélectionnées avec soin et tiendrai un blog de vulgarisation dans mon domaine d’activité. Je m’investirai dans des associations d’avocats loi 1901 créées pour favoriser les échanges et l’innovation technologique.

Quelle serait votre conclusion sur ce thème ?

Nous évoluons dans une période de bouleversements disruptifs en raison des mutations technologiques actuelles et à venir avec l’arrivée de nouveaux acteurs proposant des prestations en concurrence directe avec celles proposées par les avocats. L’offre actuelle en est encore à ses balbutiements. C’est maintenant qu’il faut agir au niveau des institutions représentatives de la profession et dans chacun de nos cabinets, en insufflant l’esprit d’entreprendre au sein de nos cabinets.

Interview réalisée par Mathieu Davy, Avocats et Président d’AvoTech


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