Finaréa : le plus gros redressement ISF de France

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Alors que l’ISF disparaît, le plus gros redressement ISF, Finaréa, est toujours en cours. Déclenché en 2011, il ne survit qu’à la faveur d’une prise de distance de l’administration fiscale par rapport à ses propres prises de position antérieures. Guillaume HANNOTIN, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et Maud BONDIGUEL, avocat à la Cour apportent leur éclairage sur ce dossier.

Comment peut-on en arriver à 1.400 redressements fiscaux ?

C’est un cas pathologique : il n’est guère compréhensible que la même administration fiscale, censée agir rationnellement, de façon cohérente et dans le respect du droit, ait pu, d’un côté, en région parisienne, valider la qualité de « holding animatrice » des sociétés Finaréa, donner auxdites sociétés un avis de non-redressement, et ne pas leur infliger l’amende prévue par l’article 1740A du CGI en cas de délivrance d’attestations jugées inexactes permettant de bénéficier indument de réductions d’impôt, et, d’un autre côté, aller redresser une à une toutes les personnes physiques ayant souscrit aux sociétés Finaréa, au prétexte qu’elles ne justifieraient pas de la qualité de « holding animatrice » des mêmes sociétés.

Que reproche l’administration fiscale aux souscripteurs Finaréa ?

L’administration fiscale considèreque les sociétés Finaréa n’étaient pas des « holdings animatrices », mais des holdings passives, se bornant à exercer les prérogatives de tout actionnaire, de sorte que la souscription au capital de ces sociétés n’aurait pas ouvert droit à la réduction d’ISF prévue, à l’époque, par l’article 885-0-V-bis du code général des impôts.

L’administration fiscale a refusé aux souscripteurs la possibilité de justifier de cette qualité de « holding animatrice » à l’aide des attestations délivrées par Finaréa, qui n’ont pourtant à aucun moment été remises en cause. Les investisseurs n’ont pas non plus été admis à utiliser l’avis de non-redressement délivré par Bercy aux sociétés Finaréa.

Par ailleurs, l’administration fiscale ne veut pas entendre parler des rescrits qu’elle a elle-même délivrés, en 2010, à deux opérateurs concurrents (Truffle et Partech) proposant exactement le même modèle pour aider le développement de PME prometteuses. Elle fait comme si ces rescrits ne disaient rien de l’état du droit applicable à tous les contribuables à l’époque des faits.

Enfin, l’administration fiscale revendique le droit de faire totalement abstraction des engagements européens de la France : le champ d’application exact de la réduction ISF-PME de l’article 885-0-V-bis a été notifié à la Commission européenne en son temps, qui incluait le cas d’un investissement via une holding animatrice du type Truffle, Partech ou Finaréa.

Quelles sont les conséquences pour Finaréa ?

Elles sont terribles.

Au-delà du contentieux lui-même à gérer, la remise en cause du modèle initial, seulement trois ans après sa mise en place, a empêché Finaréa de respecter vis-à-vis de ses participations ses engagements.

En effet, ce modèle avait été conçu pour accompagner des Start-up et répondre à leur besoin de financement au fil de leur croissance. Ne plus pouvoir lever de fonds a entrainé la disparition de nombreuses filiales de Finaréa. En 2013, au travers de ses participations, Finaréa soutenait environ 1 000 emplois, elle n’en soutient plus que 200 aujourd’hui !

Toute nouvelle prise de participation est devenue également impossible, empêchant pour les actionnaires une meilleure mutualisation des risques et des charges.

L’outil parfaitement adapté qui avait été créé (locaux, équipes, compétences, expériences, etc.) a dû être détruit…et cela a couté beaucoup.Un grand gâchis, bien inutile.

Où en est le contentieux ?

Permettez-nous de reformuler la question : « où en sont les contentieux ? ».

Car il faut savoir que, derrière les souscripteurs, il y a toujours Finaréa. Et derrière Finaréa, il y a un homme, Christian Fleuret, particulièrement tenace, qui a décidé deposer toutes les questions de ce dossier.

Ont ainsi été engagés non seulement des procédures de contestation systématique des redressements devant le juge judiciaire, mais encore divers recours pour obtenir la communication des rescrits des concurrents. Une plainte à déposer au niveau de la Commission européenne a également été préparée, puisque ces rescrits, si le droit dont ils font état n’est pas appliqué à Finaréa, constitueraient alors des aides d’Etat non notifiées qui auraient rompu l’égalité concurrentielle.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)


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