La diversité dans l’entreprise : source de tensions humaines ou gage de cohésion ?

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Artélie Conseil s'interroge sur la question de savoir si la diversité dans l’entreprise est source de tensions humaines ou gage de cohésion.

Pour mieux répondre à cette double question alliant diversité et maîtrise des tensions humaines, Artélie Conseil a invité Ingrid Bianchi, spécialiste de la diversité et fondatrice du cabinet de conseil Diversity Source Manager, à partager son expertise terrain…

Ingrid Bianchi, quels sont les cas que vous pouvez rencontrer où diversité rime davantage avec tension qu’avec cohésion ?

La diversité représente la pluralité d’individus qui compose l’entreprise, différents par l’âge, le genre, l’origine sociale, l’origine ethnique, la culture, la religion, l’état de santé, l’apparence physique, etc.
Bien souvent ce sont les incompréhensions et les difficultés d’adaptation à la variété de profils qui sont source de tensions. Par exemple, un senior qui se sent en décalage, mis à l’écart sur un projet par rapport à ses collègues plus jeunes. Il y a également le cas classique de la femme enceinte qui constate, au retour de son congé maternité, que le dossier sur lequel elle travaillait lui a été retiré. Le fait religieux, dont on parle beaucoup en ce moment, peut également générer une grande frustration, lorsqu’un collaborateur fait une demande d’aménagement d’horaires pour convictions religieuses à son manager et que celui-ci lui refuse… Toutes ces situations sont des sources de tensions alors qu'elles pourraient être des vecteurs de cohésion interne.

Qui dit discrimination, dit tensions. Qui dit tensions, dit risque business !

Dans le cadre de ses audits, Artélie analyse ces cas de « discrimination » pour pouvoir anticiper les risques business qui y sont liés. Présentés de manière classique, les discriminations liées au sexe, à l’âge, à la couleur de peau, à l’origine… sont devenues des exemples de « risques humains » pouvant contribuer à un phénomène de désengagement, de frustration et de tensions, qui mettent à mal l’atteinte des objectifs stratégiques et l’image de l’entreprise. Une grande majorité des cas de mal-être au travail que nous détectons est issue d’un sentiment de discrimination.
Les appréhender, et surtout les qualifier précisément, relève d’une véritable méthodologie capable d’objectiver les faits. Plusieurs cercles de personnes sont alors audités :

Les personnes en capacité d’analyser les relations de travail au quotidien, les proches collègues, le manager direct, voire même des clients par exemple,
Un cercle plus lointain de parties prenantes « internes » interagissant de loin mais régulièrement, tel qu’un Comité de Direction auquel appartient l’intéressé, des instances auxquelles il peut se joindre régulièrement, des collègues plus lointains, etc.
Désormais, ces situations se judiciarisent et l’audit doit s'adjoindre de compétences juridiques.

Ingrid, comment les entreprises peuvent-elles anticiper les tensions liées à la diversité ? Quelles sont les clés d’une politique de diversité efficace ?

Certaines entreprises mettent en place des cellules d’écoute ou des « référents diversité », en général des collaborateurs de l’entreprise situés à différents niveaux de responsabilité, chargés de détecter et d’apaiser les tensions au sein d’une équipe via un rôle de médiation. Une sorte de veille interne capable de canaliser une situation potentiellement discriminante et de désamorcer une relation conflictuelle en rappelant les comportements attendus.

Gérer la diversité nécessite de définir des valeurs communes et un mode de fonctionnement permettant aux différences de cohabiter sans tension.
Il s’agit d’abord de réunir les collaborateurs autour d’un projet fédérateur qui permette de valoriser l’ensemble des talents, quels qu’ils soient. Par exemple, impliquer les salariés dans une démarche transversale et collaborative à travers des espaces d’échanges et de paroles pour appréhender la différence, affirmer la diversité comme une valeur positive et contributive pour l’entreprise.
Ensuite, pour permettre à chaque collaborateur d’être reconnu et valorisé, il est important de réinterroger ses pratiques et ses outils RH pour vérifier leur objectivité en formalisant les étapes de recrutement et de promotion, en apportant plus de transparence aux critères de sélection et en donnant du feedback aux salariés. Ainsi, ceux qui pouvaient ressentir un éventuel sentiment de discrimination pourront être rassurés sur le traitement équitable de leur candidature et bénéficieront d’une meilleure confiance en eux, tout en étant plus impliqués et plus fidèles à leur entreprise.

Pour Artélie, les cas les plus complexes sont des situations certes plus rares mais non des moins douloureuses sur le plan individuel et collectif, que l’on classe dans la case discrimination et qui n’en sont pas. Des situations qui relèvent plus de l’injustice, mais qui s’appréhendent sur le plan humain comme des cas de discrimination.
Lors de fusions ou de reconfigurations d’équipes par exemple, on peut voir apparaître de fortes velléités contre les membres de l’équipe qui se font « absorber », ceux qui ont une forte ancienneté dans l’entreprise et qui représentent « l’ancienne » vision.
Pensons également aux services support souvent qualifiés de « non productifs ».
Plus inattendu encore, les équipes de direction, souvent très malmenées par les salariés... qui leurs prêtent systématiquement des intentions « négatives » et qui les chargent, préventivement, de bien des maux !
Un cas plus récent mais non négligeable : ceux « qui ne parlent pas anglais » et qui se trouvent de facto privés des possibilités d’évolution.

Quelle soit classique ou non, la diversité des profils de l’entreprise peut nuire aux objectifs de développement de l’entreprise. En revanche, si les instances dirigeantes mettent la diversité au cœur de leur stratégie business et utilisent des outils adaptés, celle-ci devient une véritable source de cohésion, d’innovation, voire même de performance…


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