Responsabilité civile d’un avocat séquestre de fonds

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Dans le cadre d’une cession d’actions, l'avocat séquestre s'est dessaisi des fonds sans y être autorisé et sans s’être assuré de la mainlevée d’un nantissement, vérification lui incombant contractuellement.

La société S., placée en redressement judiciaire, a fait l'objet d'un plan de cession homologué le 7 octobre 1998 prévoyant, avec une faculté de substitution du cessionnaire, la vente du fonds de commerce concerné à la société O. pour un prix de 121.959 euros, à charge pour la seconde de recouvrer, à hauteur d'un minimum convenu, le compte client de la première et de reverser à celle-ci 30 % des sommes perçues.
La société S. a secondairement été constituée pour se substituer à la société O., son principal actionnaire qui a nanti les parts détenues à ce titre en garantie du paiement du prix de cession du fonds de commerce.
Saisi d'une action en résolution du plan en raison de l'inexécution du mandat de recouvrement, le tribunal de commerce a chargé l'administrateur judiciaire de veiller au respect des engagements pris par la société O. et au redressement de la société S. confrontée à des difficultés financières depuis sa création.
En exécution de cette mission, des pourparlers ont été engagés afin que les actions détenues par la société O. dans le capital de la société S. soient cédées, avec celles détenues par d'autres actionnaires, à la société M. Cette dernière a remis à M. X., avocat associé constitué séquestre, une somme de 139.355 euros dans l'attente de la conclusion de l'acte de cession au prix définitivement arrêté par les parties en fonction de l'évolution de la situation comptable de la société S., d'une part, et de la levée du nantissement consenti par la société O., d'autre part.
Le 9 mars 2001, l'avocat, estimant la cession parfaite, a remis les fonds déposés aux différents cédants. Les sociétés S. et O. ont été, à leur tour, placées en redressement judiciaire, puis en liquidation. La société M. a alors engagé une action en responsabilité contre la société d'avocats, lui reprochant de s'être prématurément dessaisie des fonds.

Le 19 octobre 2009, la cour d'appel de Grenoble a condamné la société d'avocats à réparation à hauteur de la somme non représentée. Les juges du fond ont constaté qu'en l'absence d'accord définitif sur le prix de cession des actions, le séquestre s'était dessaisi des fonds sans y être autorisé et sans s'être préalablement assuré de la levée du nantissement consenti par la société O., vérification qui lui incombait contractuellement.

Dans un arrêt rendu le 6 janvier 2011, la Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant qu'ayant ainsi relevé que les fonds avaient été prématurément libérés, la cour d'appel a pu en déduire que le préjudice subi par le déposant correspondait à la somme non représentée, justifiant ainsi sa décision sur la caractérisation du dommage et du lien de causalité, dès lors que la victime n'était nullement tenue de prendre des garanties en complément du séquestre convenu.

Références

- Cour de cassation, 1ère chambre civile, 6 janvier 2011 (pourvoi n° 09-72.509) - rejet du pourvoi contre cour d'appel de Grenoble, 19 octobre 2009 - http://url.legalnews.fr/4vu

Le Bulletin du Barreau de Paris, 2011, n° 2, 14 janvier, veille professionnelle, “Avocat séquestre et libération prématurée des fonds” - http://url.legalnews.fr/4vv


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