Convention de succession : clause de non-concurrence contre principe de libre choix de l’avocat

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Nullité d’une clause, contenue dans une convention de succession, interdisant à l’avocat cédant de conseiller ou assister des clients visés par cette dernière, et le contraignant à refuser un dossier qu’un client souhaiterait lui confier, pour violation du principe de libre choix de son avocat. 

Un avocat a conclu avec une société d’exercice libéral à forme anonyme (Selafa) une convention de succession ainsi qu’un contrat de collaboration, afin d’assurer la transmission de la clientèle. 
Par une clause de non-concurrence contenue dans ladite convention, l’avocat cédant s’est engagé à ne pas conseiller, proposer ses services ou encore s’intéresser directement ou indirectement, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, auprès de tout client visé par une liste limitative contenue dans la convention.

Le bâtonnier de Paris, saisi par la Selafa, avait condamné l’avocat cédant et prononcé la nullité de l'engagement unilatéral de non concurrence, décision partiellement infirmée par la cour d’appel de Paris qui avait ensuite été censurée par la Cour de cassation, rappelant qu’il était nécessaire, pour annuler la clause, de rechercher si cette obligation de non-concurrence était proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, alors même qu’une liste limitative de clients et de dossiers était annexée à l’engagement.

La cour d’appel de Versailles, réexaminant l’affaire dans un arrêt du 23 février 2017, relève que la clause est limitée dans le temps et porte sur des clients limitativement énumérés. Elle peut donc être considérée comme proportionnée aux intérêts légitimes à protéger de ce point de vue.

Cependant, les juges du fond soulèvent que la clause n’interdit pas seulement à l’avocat de solliciter les clients concernés, mais également de les conseiller ou de les assister et de refuser les dossiers que ces clients souhaiteraient lui confier. 
La cour d’appel en déduit que la clause litigieuse a pour conséquence d'interdire aux clients mentionnés sur la liste de choisir le cédant comme conseil en violation du principe du libre choix par le client de son avocat, composante du droit à un procès équitable garanti par les dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’Homme. La cour rappelle à ce titre qu’il ne peut être porté atteinte à ce principe que pour des raisons exceptionnelles qui ne peuvent résulter d’une opération de transmission de la clientèle envisagée.
Ainsi, les juges versaillais annulent la clause de non-concurrence, qui entraîne l’annulation de la transmission de clientèle cédée, et confirme la sentence arbitrale du bâtonnier de Paris déclarant nul l'engagement de non concurrence souscrit par l’avocat cédant.

 


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