L’avocat doit conseiller les parties sur la portée de leurs engagements et veiller à l’utilité des actes qu’il rédige pour eux

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L'avocat, rédacteur d'acte, est tenu de veiller, d'une part, à l'utilité et à l'efficacité de l'acte au regard de la volonté des parties, d'autre part, à l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et, à cet effet, de conseiller les parties sur la portée des engagements par elles souscrits. Les manquements à ces obligations sont constitutifs de fautes.

Par acte, établi par M. X. (l'avocat), M. Y. a vendu à M. Z. l'intégralité de ses droits d'exploitation et d'adaptation portant sur deux oeuvres, moyennant le prix d'un million d'euros, une partie payée comptant le jour de la signature de la vente, le surplus étant payable en quarante-neuf mensualités. Il était stipulé que le contrat serait caduc de plein droit en cas de non-paiement par l'acquéreur d'un terme, deux mois après un commandement de payer, et, qu'à défaut de paiement, les sommes déjà versées par ce dernier resteraient définitivement acquises au vendeur à titre d'indemnité d'immobilisation. 
Après la signature du contrat, l'avocat, à la demande de M. Y., qui estimait que la convention initiale ne protégeait pas assez ses intérêts, a rédigé un avenant stipulant qu'en cas de non-paiement, le contrat ne serait pas caduc mais que le solde du prix deviendrait immédiatement exigible et obligeant l'acquéreur à prendre une garantie bancaire irrévocable. 
M. Z. n'a pas accepté l'avenant et n'a procédé au règlement d'aucune mensualité, ce qui a entraîné la caducité de la vente. 
Les parties ont signé un nouveau contrat de vente desdits droits, moyennant le prix de 250.000 €.
M. Y. a assigné l'avocat en responsabilité civile professionnelle et indemnisation.

Par un arrêt du 25 mai 2016, la cour d'appel de Pau a fait droit à la demande de M. Y. 
Elle retient, d'abord, que M. X., avocat habituel de M. Y., a été mandaté par ce dernier afin de rédiger l'acte de cession et d'assurer la défense de ses droits à l'occasion de la vente. 
Ensuite, elle constate qu'il résulte des pièces produites aux débats que l'avocat a implicitement mais nécessairement reconnu que la clause de caducité insérée à l'acte ne constituait pas pour M. Y. une garantie de l'ensemble des objectifs qu'il poursuivait et dont il avait spécialement chargé l'avocat d'assurer la sécurité juridique, lesquels comportaient la cession totale de ses droits à M. Z. moyennant le prix d'un million d'euros. 
Enfin, elle relève que la caducité permettait unilatéralement à l'acquéreur de mettre un terme à l'exécution du contrat et à son obligation de paiement, selon sa seule volonté, sans que les sommes versées demeurant acquises au vendeur ne puissent être considérées comme une clause protectrice de ce dernier, dès lors que cette contrepartie, définie à l'acte comme une indemnité d'immobilisation, n'était pas fixée a minima et était aléatoire puisque son montant dépendait de la date à laquelle l'acquéreur pouvait décider de provoquer la caducité du contrat. 
Elle en déduit que l'avocat avait commis des manquements constitutifs de fautes. 
Par ailleurs, elle retient également l’existence d’un préjudice certain pour condamner M. X. à réparer le préjudice causé à M. Y.

Dans un arrêt du 6 septembre 2017, la Cour de cassation a partiellement validé le raisonnement de la cour d’appel de Pau. 
En premier lieu, elle estime que la cour d'appel a exactement déduit que l'avocat, rédacteur d'acte, tenu de veiller, d'une part, à l'utilité et à l'efficacité dudit acte au regard de la volonté des parties, d'autre part, à l'équilibre de l'ensemble des intérêts en présence et, à cet effet, de conseiller les parties sur la portée des engagements par elles souscrits, avait commis des manquements constitutifs de fautes
En second lieu, elle considère qu’en retenant l’existence d’un préjudice certain, alors que M. Y. sollicitait la réparation d'une perte de chance de recevoir le produit de la vente initialement fixé à un million d’euros, la cour d'appel, qui a ainsi modifié l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile.