CEDH : la visite du bâtonnier dans les locaux de l’avocat, même en son absence, ne violait pas la Convention

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Lors d’une procédure disciplinaire pour différents manquements, la visite du bâtonnier dans les locaux d’un avocat, même si celui-ci est absent, ne viole pas l'article 6 et l'article 8 de la Convention.

M. X., ressortissant français, est avocat. En 2008, le conseil de l’Ordre du barreau de Papeete a ouvert une procédure disciplinaire à son l’encontre. Il fut par la suite condamné, par décision du conseil de l’Ordre, à une interdiction d’exercer de deux ans dont une année avec sursis. En effet, le conseil considéra que M. X. avait persisté à méconnaître ses obligations fiscales et sociales ainsi que ses obligations civiles nées de son bail professionnel. Il jugea également que l’avocat avait accumulé de graves négligences et manquements à l’égard de ses clients et qu’il avait méconnu les principes de confraternité et de délicatesse à l’égard du bâtonnier et de ses confrères.
Suite au rejet de son pourvoi devant la Cour de cassation, M. X. finit par saisir la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Il revendiquait en effet une violation de l’article 8 de la Convention, en raison de la visite de ses locaux, par le bâtonnier, réalisée en son absence et une violation de l’article 6.

Dans un arrêt du 20 septembre 2018, la CEDH a déclaré la requête de M. X. irrecevable.

Concernant la violation de l’article 8, la Cour relève tout d’abord que le bâtonnier est entré dans les locaux du cabinet de M. X. en son absence et qu’il y a consulté des documents sociaux, fiscaux et comptables. Cette intrusion constituait bien une ingérence, mais elle était "prévue par la loi" et poursuivait "un but légitime", à savoir la défense de l’ordre public, la prévention des infractions pénales et la protection des droits et libertés d’autrui. Elle était également nécessaire dans le sens où le bâtonnier doit préserver la relation de confiance entre un avocat et ses clients. En effet, la CEDH rappelle que les avocats bénéficient du secret professionnel, qui n’a pas été remis en question en l’espèce, étant donné que le bâtonnier est lui-même un avocat soumis au secret professionnel et n’est donc pas une personne extérieure. Cependant, si les avocats ont une protection particulière, il est légitime que des normes de conduite s’imposent à eux, sous la surveillance et le contrôle des conseils des différents Ordres. Il était donc nécessaire que M. X. fasse l’objet d’une certaine surveillance afin de ne pas endommager la confiance que peuvent avoir les clients quant au comportement de leur avocat.
De plus, la CEDH souligne que l’Ordre avait reçu de nombreuses plaintes de clients et que M. X., qui allait être expulsé de son cabinet, n’était plus joignable. La Cour considère donc qu’il était de l’impérieux devoir du bâtonnier de vérifier la situation du cabinet. La Cour estime que l’ingérence dans le cabinet n’était donc pas disproportionnée et qu’un juste équilibre a été réalisé. Le grief de non-respect du domicile est par conséquent rejeté.

S’agissant de la violation du droit à un procès équitable, la CEDH retient qu’à la suite de cette visite, le bâtonnier a rédigé un premier rapport puis a rencontré l’avocat pour lui demander certains justificatifs. Un second rapport a ensuite été rédigé avant qu’une enquête disciplinaire ne soit diligentée au cours de laquelle M. X. a été auditionné. Deux nouveaux rapports ont alors été produits avant que M. X. ne soit renvoyé devant le conseil de discipline de l’Ordre. La CEDH note également qu’au cours de l’instruction, l’ensemble des éléments recueillis lui ont été communiqués et soumis avant de faire l’objet d’un débat contradictoire lors de l’audience devant le conseil de l’Ordre au cours de laquelle M. X. était présent et assisté de son avocat. La Cour affirme par conséquent que l’article 6 de la Convention a bien été respecté.


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