Harcèlement moral de l'avocat collaborateur

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Un avocat collaborateur libéral peut obtenir la réparation du préjudice causé par des faits de harcèlement moral caractérisant un manquement aux obligations essentielles inhérentes au contrat de collaboration. Il peut également faire reconnaître l'abus de droit caractérisé par la mauvaise foi des motifs de résiliation de son contrat.

Une société d'avocats a résilié le contrat de collaboration libérale qu'elle avait conclu avec un collaborateur. Ce dernier a alors a saisi le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris d'une demande de requalification de ce contrat en contrat de travail et de paiement de différentes sommes et indemnités résultant de cette requalification, outre des dommages-intérêts au titre d'une rupture abusive et de faits de harcèlement moral qu'il imputait à un avocat associé du cabinet.

La cour d'appel de Paris n'a pas fait droit à cette demande.
Après avoir constaté que le contrat de collaboration et la charte du collaborateur de la société d'avocats prévoyaient que le collaborateur pourrait recevoir ses clients personnels au cabinet, disposerait du temps nécessaire à la gestion et au développement de sa clientèle personnelle et aurait à sa disposition les moyens nécessaires, les juges du fond ont retenu que les volumes horaires de travail indiqués dans la charte étaient usuellement pratiqués et n'étaient pas incompatibles avec la possibilité de disposer d'un temps suffisant à consacrer à une clientèle personnelle et qu'un nombre significatif de collaborateurs du cabinet certifiaient n'avoir jamais été entravés dans la constitution de leur clientèle personnelle.
Les juges ont estimé que, si le collaborateur avait intégré la société d'avocats avec l'intention d'y créer une clientèle personnelle et n'apparaissait avoir traité en trois ans qu'un seul dossier personnel, cette situation résultait de son choix et non d'un réel empêchement lié à un volume de travail excessif qui n'était pas établi, qu'il jouissait d'une autonomie dans la tenue des dossiers et dans l'organisation du cabinet et que son statut de directeur de mission ne portait pas atteinte à celui de collaborateur même s'il lui conférait des responsabilités supplémentaires.

La Cour de cassation considère que la cour d'appel a pu en déduire que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail.

La Haute juridiction judiciaire estime que c'est à bon droit également que la cour d'appel a retenu que, malgré le respect d'un délai de prévenance de quatre mois, la rupture du contrat de collaboration était abusive.
En effet, la société d'avocats avait mis fin au contrat de collaboration, d'une part, en invoquant dans la lettre de rupture des griefs tirés d'un traitement laxiste des dossiers, de retards ou défauts de traitement et d'une attitude incorrecte avec les secrétaires, stagiaires et assistantes, de l'absence de signalement d'une période de sous-charge ou encore d'une majoration artificielle du temps de travail qui étaient infondés, d'autre part, en agissant soudainement et brutalement alors que la relation contractuelle se déroulait à la satisfaction mutuelle des parties, que les évaluations du collaborateur étaient positives et s'étaient traduites par l'attribution de primes et des augmentations conséquentes de sa rétrocession.

Enfin, s'agissant de la réparation de cette rupture abusive, dès lors que la cour d'appel a retenu que les faits de harcèlement moral imputés à la société d'avocats et à l'associé étaient établis et fait ressortir l'existence d'un tel manquement contractuel, elle n'a pu qu'en déduire que la responsabilité de la société d'avocats et celle de l'auteur du harcèlement, à titre personnel, étaient engagées.

Les pourvois sont donc rejetés par un arrêt du 25 mai 2023 (pourvoi n° 21-25.333).

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