La Cour d’appel de Paris réduit massivement les amendes de six meuniers dans l'affaire des cartels français et franco-allemand de la farine

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Le 4 juillet 2019, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt important relatif aux cartels dans le secteur de la farine en sachets. Sur les 17 meuniers sanctionnés, un meunier allemand et cinq meuniers français obtiennent une forte réduction de leur amende.

linklatersCet arrêt, rendu sur renvoi après cassation partielle, a réformé la décision de l’Autorité de la concurrence qui avait lourdement sanctionné trois ententes dans ce secteur, à hauteur de 242,4 millions d'euros.

Dans le cadre la première entente, portant sur une répartition de marchés entre 13 meuniers français et allemands entre 2002 et 2008, la Cour d’appel a réduit les sanctions de deux d’entre eux de plus de 11 millions d’euros. L’Allemand GoodMills (anciennement VK-Mülhen), le plus gros meunier d’Europe, voit ainsi son amende initiale de 17 millions d’euros (l’amende la plus importante imposée aux meuniers allemands dans cette affaire) ramenée à 5,7 millions d’euros. Il s’agit du seul meunier allemand, parmi les sept meuniers allemands condamnés, qui aura réussi à obtenir une réduction de son amende. Le meunier français Grands Moulins de Paris voit quant à lui passer son amende de 11,8 millions d’euros à 334 000 euros.

Cette entente franco-allemande avait initialement été intégralement confirmée par un premier arrêt de la Cour d’appel de Paris en 2014 à l’égard des 13 meuniers concernés. Toutefois, le 8 novembre 2016, la Cour de cassation avait cassé cet arrêt au profit de GoodMills et de Grands Moulins de Paris et renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel. La Cour de cassation avait jugé que la Cour d’appel avait erronément tenu ces deux meuniers responsables de l’entente pendant près de cinq ans, alors qu’ils n’avaient été impliqués que dans un seul contact lié au cartel. Dans l’arrêt rendu sur renvoi, la participation de GoodMills à l’entente est ramenée à 10 mois et celle de Grands Moulins de Paris à moins d’un mois, ce qui explique l’ampleur de la réduction d’amende qui leur a été accordée.

Les deux autres ententes concernent quant à elles exclusivement le marché français. Elles portaient sur la fixation du prix de la farine en sachets vendue à la grande et moyenne distribution et aux enseignes du hard discount en France, une répartition de la clientèle et une limitation de la production entre huit meuniers français à travers deux entreprises communes, France Farine et Bach Mühle, et ce pendant plus de 45 ans. Contrairement au cartel franco-allemand, ces meuniers avaient initialement obtenu gain de cause devant la Cour d’appel de Paris en 2014. La Cour d’appel avait jugé que le caractère anticoncurrentiel de ces ententes françaises n’était pas établi. Toutefois, la Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point.

L’arrêt du 4 juillet 2019 revient sur la position initiale de la Cour d’appel et retient cette fois le caractère nocif de l’objet de ces deux ententes pour la concurrence, confirmant ainsi la décision de l’Autorité de la concurrence sur ce point. La Cour d’appel rejette également la demande d’exemption de ces ententes. Les cinq meuniers impliqués dans le recours (Grands Moulins de Strasbourg, Minoterie Cantin, Axiane, Euromill Nord et Grands Moulins de Paris) voient néanmoins leur amende substantiellement réduite par la Cour d’appel. La Cour a tout d’abord diminué d’un point le taux de gravité retenu dans le calcul de leur amende (passant de 17 % à 16 %) pour tenir compte de l’existence d’une réglementation des prix en vigueur en France jusqu’en 1978. Elle a également pris en compte la faible capacité contributive de ces meuniers liées à leurs difficultés financières.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu sur renvoi est particulièrement intéressant dans la mesure où les réductions d’amende de cette ampleur restent très rares en matière de cartels.

VK-Mühlen/Goodmills était conseillée par l’équipe concurrence de Linklaters à Paris (depuis le début de l’affaire devant l’Autorité de la concurrence en 2008) : Pierre Zelenko, associé, Sabine Thibault-Liger, counsel, et Sara Gil Garcia, collaboratrice senior.


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