Encadrement des données personnelles : le gouvernement craint l’indigestion de cookies !

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Fabien Honorat - Avocat - Péchenard & associésFabien Honorat, Avocat Associé chez Péchenard  & associés revient sur le projet d'ordonnance visant à encadrer l'utilisation des cookies publicitaires.

  • Le gouvernement dans le cadre de la transposition de la directive européenne du 12 juillet 2002, modifiée le 25 novembre 2009 (dite directive "vie privée et communications électroniques"), a préparé une ordonnance visant à encadrer l'utilisation des cookies publicitaires.
  • Aujourd’hui, les cookies (ou "témoins de connexion" selon la terminologie de la directive) permettent de collecter un certain nombre d'informations sur la navigation des internautes. Ils sont utilisés par les annonceurs pour proposer aux internautes des publicités ultra-ciblée, en lien direct avec leurs activités passées sur le net.
  • Selon la CNIL, qui a déjà eu l'occasion de formuler des recommandations concernant les usages des cookies, ces informations sont assimilables à des "données personnelles" au sens de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978. Les obligations règlementaires vont donc monter d'un cran avec ce projet d'ordonnance.

Une ordonnance pour plus de transparence…

Le projet d’ordonnance sur l’encadrement de l’utilisation des cookies publicitaires repose sur les principes posés par la directive (lesquels sont assez vagues) mais surtout sur les recommandations de l’Enisa (l’agence européenne de sécurité des réseaux et de l’information) qui s'est clairement positionnée pour un contrôle strict des cookies publicitaires.

Jusqu’à présent, c’est le principe de l'opt-out qui prédominait en France, la question des cookies était généralement évoquée dans les conditions d'utilisation des sites auxquelles les internautes étaient supposés avoir adhéré tacitement.

Le nouveau texte prévoit que les sites devront demander préalablement aux internautes leur accord exprès pour utiliser le système des cookies (principe de l'opt-in) et informer les internautes de l'usage desdites informations.

Le futur texte prévoit également qu'il devra être laissé à l'internaute la possibilité de suspendre ultérieurement son consentement concernant l'utilisation de ses données et que la conservation des données par les annonceurs devra être limitée dans le temps.

Il semble que les cookies dit "utilitaires" (identifiants et mots de passe de messagerie ou de gestion de panier pour les sites de e-commerce par exemple) ne seront pas concernés par cette règlementation.

Une version définitive de cette ordonnance doit être validée avant le 25 mai 2011.

… qui laisse planer de nombreuses interrogations

Ce projet de texte, déjà largement commenté par les spécialistes du secteur, soulève de nombreuses questions.
Il est évident que la mise en œuvre stricte de cette règlementation rendra plus complexe la navigation des internautes qui auront alors quasiment à chaque chargement de page à se prononcer sur l'enregistrement ou non des cookies. La directive européenne a d'ailleurs pris la mesure de cette difficulté en précisant que "les méthodes retenues pour fournir des informations et offrir le droit de refus devraient être les plus conviviales possibles" ; ce qui est plus facile à énoncer qu'à mettre en pratique.
La définition même des types de cookies concernés par le texte sera à n'en pas douter sujette à interprétation.

La question des sanctions en cas d'infraction à ce texte sera aussi capitale, elle conditionnera largement l'application pratique de cette réglementation par les sociétés de ce secteur. De même que les conditions de mise en œuvre d'une telle action. Ou encore la question de la territorialité, inhérente à tout texte légal visant les activités sur Internet : dans quelles mesures les sociétés étrangères pourront-elles être contraintes de respecter cette loi ?...

A la réflexion, une solution aurait peut être été de mettre au centre du dispositif les navigateurs Internet qui disposent tous de filtres anti-cookies paramétrables par chaque Internaute. La directive avait d'ailleurs prévu cette éventualité "lorsque cela est techniquement possible et effectif, conformément aux dispositions pertinentes de la directive 95/46/CE, l’accord de l’utilisateur en ce qui concerne le traitement peut être exprimé par l’utilisation des paramètres appropriés d’un navigateur ou d’une autre application".

Il est certain qu'en choisissant d'opérer par voie d'ordonnance (c'est-à-dire sans passer par une discussion au parlement), le gouvernement a préféré la voie de l'urgence à la voie du débat.

La commission chargée de la rédaction du texte a toutefois entendu semble-t-il tous les intervenants potentiellement concernés par ce texte dont il faudra attendre la version définitive pour voir s'il peut tendre vers un peu plus de consensus.

Fabien Honorat, Avocat Associé chez Péchenard  & associés