Réglementation du travail et e-Sport : quelle réglementation pour les joueurs mineurs ?

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Les compétitions de jeux vidéo, appelées « e-Sport », constituent, à l’heure actuelle, un secteur économique en pleine expansion. Le législateur s’est alors intéressé au statut des mineurs « e-sportifs » qui constituent une part importante des joueurs amateurs et professionnels. Deux décrets relatifs aux jeux vidéo compétitifs, publiés le 9 mai 2017, sont venus éclaircir le régime juridique applicable aux compétitions d’e-Sport mis en place par la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Entre interdiction et contrôle, le statut des joueurs mineurs est désormais précisé.

Le statut protégé et dérogatoire du joueur mineur d’e-Sport

Il convient tout d’abord de préciser que l’obligation scolaire incombe, en principe, aux enfants entre 6 et 16 ans1. Ainsi, il est en principe interdit d’employer des travailleurs de moins de 16 ans2 en tant que joueurs professionnels.

Cependant, l’emploi des enfants de moins de 16 ans dans une entreprise ou association ayant pour objet la participation à des compétitions de jeux vidéo, est autorisé sous réserve de certaines conditions. Un enfant de moins de 16 ans ne peut, sans autorisation individuelle préalable accordée par le préfet du département du siège de l’entreprise ou de l’association, être engagé dans une telle structure3.
Cette autorisation individuelle, initiée par toute personne souhaitant engager ou produire un enfant âgé de moins de 16 ans, est accordée sur avis conforme d’une commission spécialisée4.
À cette demande d’autorisation individuelle s’ajoute une condition supplémentaire pour l’emploi d’un mineur de plus de 13 ans : le recueil de son avis favorable écrit5.
À savoir que cette autorisation individuelle n’a pas vocation à être acquise indéfiniment ; elle peut être retirée à tout moment6.

Le principe est que toute participation aux compétitions de jeux vidéo offrant des récompenses monétaires est strictement interdite pour les enfants de moins de 12 ans7.
L’organisateur d’une compétition de jeux vidéo qui a laissé participer un mineur de moins de douze ans à des compétitions de jeux vidéo offrant des récompenses en sommes d’argent, est passible d’une des peines prévues pour les contraventions de la 5ème classe8.
Dans les autres cas, la participation des mineurs entre 13 et 16 ans est conditionnée au recueil de l’autorisation écrite de leur représentant légal. L’organisateur doit conserver, pendant un an, une copie de cette autorisation écrite ainsi que le numéro, la nature et l’autorité de la délivrance du document d’identité du ou des représentants légaux et du mineur concerné9.

L’accès aux compétitions doit être conditionné à une autorisation parentale dûment informée. En effet, le représentant légal du joueur mineur doit d’abord être informé des enjeux financiers de la compétition.
L’information comprend notamment la référence à la signalétique (le label Pan Européen Game Information « PEGI ») destinée à limiter la mise à disposition de document ou d’un logiciel de loisir présentant un risque pour la jeunesse en raison de la place faite au crime, à la violence, à l’incitation à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants, à l’incitation à la consommation excessive d’alcool ainsi qu’à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes10.
Le représentant légal du joueur mineur doit aussi avoir connaissance des jeux utilisés comme support, afin de garantir sa sécurité et de prévenir tous préjudices ou troubles moraux qui pourraient atteindre le mineur du fait de la violence des images émanant du jeu vidéo.

L’encadrement des gains perçus par les mineurs de 16 ans et plus

Une part des rémunérations de toute nature perçue pour l'exercice d'une pratique en compétition de jeux vidéo par des mineurs de moins de seize ans soumis à l'obligation scolaire, peut être laissée à la disposition de ses représentants légaux11.
Le surplus (le « pécule ») est versé à la Caisse des dépôts et consignations et géré par cette caisse jusqu'à la majorité de l’enfant12. Mais des prélèvements peuvent être autorisés en cas d'urgence et à titre exceptionnel13.
A compter de la majorité de l’enfant, l’institution transférera les fonds mis à la disposition de l’intéressé sur un compte ordinaire de dépôt14. A la majorité, si les fonds ne sont pas réclamés malgré le courrier d’information adressé par la Caisse des dépôts, ces fonds sont virés sur un compte de dépôt ordinaire non rémunéré et restent à la disposition des bénéficiaires durant 30 ans.

Les sanctions en cas de non-respect des règles encadrant l’emploi et la participation d’un mineur à des compétitions de jeux vidéo

Les sanctions prévues, qu’elles soient plus ou moins lourdes, visent tout d’abord à protéger le mineur, considéré comme partie faible dans le milieu lequel il évolue.

C’est en ce sens que la méconnaissance des règles régissant l’emploi du mineur e-Sportif entraîne notamment une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 75 000 euros, dans les cas suivants :
- le fait d'engager ou de produire dans une entreprise un enfant de seize ans et moins, soumis à l'obligation scolaire, sans autorisation individuelle préalable15 ;

- le fait d’employer un mineur de plus de treize ans, en vue de participer à des compétitions de jeux vidéo, sans avoir préalablement recueilli son avis favorable écrit16 ;

Concernant le non-respect des règles encadrant la participation d’un mineur aux compétitions, la logique n’est pas la même puisque ce sont les organisateurs qui engagent leur responsabilité.

C’est ainsi que les peines prévues pour les contraventions de la cinquième classe trouvent à s’appliquer dans les cas suivants :

– le fait pour l’organisateur d’une compétition de jeux vidéo d’avoir, y compris par négligence, laissé participer un mineur de moins de douze ans à des compétitions de jeux vidéo offrant des récompenses en sommes d’argent17 ;

– le fait, pour l’organisateur d’une compétition de jeux vidéo, de ne pouvoir justifier du recueil de l’autorisation écrite des représentants légaux du mineur ayant participé à une telle compétition18

Pour conclure, la protection des joueurs mineurs d’e-Sport est assurée, d’une part, par la mise en place d’un régime d’autorisation parentale subordonné à un devoir d’information des organisateurs envers le représentant légal (le représentant légal doit être informé des enjeux financiers de la compétition et des jeux utilisés durant la compétition), et d’autre part, par un encadrement des gains en compétition des mineurs. Les sanctions prévues en cas de non-respect de ces dispositions sont lourdes, et les organisateurs encourent, le cas échéant, leur propre responsabilité.

Cédric Dubucq, Avocat à la Cour, spécialiste en droit commercial, des affaires et de la concurrence

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NOTES

1. Art. L. 131-1 du Code de l’éducation
2. Art. L. 4153-1 du Code du travail
3. Art. L. 7124-1 du Code du travail
4. Art. R. 7124-3 du Code du travail ; pour la composition et le mode de fonctionnement de cette commission, cf. les articles R. 7124-19 et suivants du Code du travail
5. Art. L. 7124-2 du Code du travail
6. Art. L. 7124-3 du Code travail
7. Art. R. 321-44 du Code de la sécurité intérieure
8. Art. R. 324-3 du Code de la sécurité intérieure
9. Art. R. 321-43 du Code de la sécurité intérieure
10. Art. L. 321-10 du Code de la sécurité intérieure. ; Art. 32 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs
11. Art. L. 321-10 Code de la sécurité intérieure, al. 2 et L. 7124-9 code du travail
12. Art. R. 321-45 du code de la sécurité intérieure
13. Art. L. 7124-9 code du travail
14. Art. R. 7124-37 du Code du travail
15. Art. L. 7124-22 du Code du travail
16. Art. L. 7124-23 du Code du travail
17. Art. R. 324-3 du Code de la sécurité intérieure
18. Art. R. 324-4 du Code de la sécurité intérieure


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