Tous Anti-Covid : toujours pas la solution miracle

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Le gouvernement français a présenté hier sa nouvelle application de traçage afin de lutter contre la pandémie du coronavirus. Celle-ci sera-t-elle plus efficace que la précédente ? Il est malheureusement permis d'en douter.

Tous Anti-Covid présente certains progrès par rapport à StopCovid, en matière d'ergonomie et grâce au développement de nouvelles fonctionnalités, comme l'affichage de données actualisées sur le virus : statistiques nationales, lien vers la page DepistageCovid avec une carte des centres de dépistage, et autre lien vers MesConseilsCovid, nouveau service gouvernemental de recommandations personnalisées pour sa santé et celle de ses proches.

Ces nouvelles fonctionnalités inciteront peut-être les Français à télécharger davantage cette nouvelle application que sa mouture précédente, dans le contexte d'une deuxième vague en cours et la crainte d'un reconfinement.

Pourtant, sur le fond, rien ne change vraiment, la nouvelle application utilisant la même infrastructure et les mêmes paramètres de fonctionnement que l'ancienne. On fait croire que le succès de ces applications repose seulement sur le nombre de téléchargements et d'activations. Plus grand sera le nombre d'activations, plus grand devrait être le nombre de notifications de cas contacts. Cependant, on n'explique pas que les paramètres de l'application, à savoir la proximité de moins d'un mètre pendant au moins 15 minutes, sont des limitations inhérentes à la technologie employée et ne correspondent pas aux conditions de contamination par le virus, telles que nous les comprenons aujourd'hui. Depuis avril dernier, lors de l'annonce de StopCovid en France, des études scientifiques ont montré que le virus pourrait être transmis par effet aérosol, donc par voie aérienne. La proximité doit certainement jouer un rôle dans la transmission, mais également nombre d'autres paramètres, espace intérieur ou extérieur dans lequel on se trouve, les conditions d'aération, la charge virale des aérosols. Mais la distance d'un mètre et la durée d'exposition de 15mn ne ressortent pas des données expérimentales. Des contaminations à plus d'un mètre avec une durée d'exposition moindre sont à craindre.

Dès lors, il apparaît que cette application n'est pas adaptée au risque sanitaire, tel que nous le comprenons aujourd'hui. De plus, étant basée sur la même infrastructure que StopCovid, Tous Anti-Covid présente toujours l'inconvénient de ne pas être interopérable avec les applications des autres pays européens.

Loin d'être la solution miracle, Tous Anti-Covid devrait être présentée comme un outil supplémentaire pour faire face à la Covid-19, avec des limitations technologiques. En aucun cas, il ne remplace le masque, ni les gestes barrières ni la distanciation physique, qui sont des moyens à la portée de tous, low tech et beaucoup plus efficaces pour limiter les contaminations. Le gouvernement devrait donc tenir un langage de vérité auprès des Français, en leur rappelant que cette application n'est pas la panacée et en évitant de leur donner un faux sentiment de sécurité que cette application ne garantit pas.

Constantin Pavléas, Fondateur et dirigeant du cabinet Pavléas Avocats et Professeur et coordinateur du programme Droit du Numérique & Propriété intellectuelle à l'école des Hautes Études Appliquées du Droit (HEAD)


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