Accès à la profession d'avocat pour un magistrat marocain : refus du bénéfice des dispositions dérogatoires

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La réciprocité de droit instituée par un protocole franco-marocain n'ouvre pas à un magistrat marocain qui n'a pas appliqué le droit français le bénéfice des dispositions dérogatoires aux conditions d'accès à la profession d'avocat.

Un avocat marocain a sollicité son admission au barreau de Paris en vertu des dispenses prévues par l'article 97, 1° et 3°, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, modifié, organisant la profession d'avocat.

Le conseil de l'Ordre a rejeté sa demande, décision confirmée par la cour d’appel de Paris. 
Les juges ont énoncé que l'article 97 précité, qui prévoit un accès dérogatoire à la profession d'avocat, est d'interprétation stricte. Ils ont estimé que la condition d'appartenance à la magistrature a pour finalité d'assurer chez le candidat à l'inscription au barreau une connaissance suffisante du droit national, que la réciprocité permet uniquement à un citoyen marocain d'exercer cette profession et d'être inscrit à un barreau de France dans les conditions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, mais qu'elle n'autorise pas un magistrat marocain qui n'a pas appliqué le droit français, différent du droit marocain dans de nombreuses matières, à bénéficier des dispositions dérogatoires prévues aux 1° et 3° de l'article 97 précité.

Dans sa décision du 16 mai 2018, la Cour de cassation énonce que le protocole relatif aux professions judiciaires et aux activités d'ordre juridique, conclu entre la France et le Maroc le 20 mai 1965 et publié au Journal officiel de la République française le 1er janvier 1966, prévoit que les citoyens de chacun des deux pays pourront demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée et sans qu'aucune mesure discriminatoire puisse être prise à leur égard.
De ce fait, l'accès des citoyens marocains à la profession d'avocat en France est soumis à la réglementation française, laquelle comporte l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires édictées en la matière qui forment un tout indivisible.

La Haute juridiction judiciaire rappelle ensuite que l'accès à la profession d'avocat est encadré par la loi du 31 décembre 1971 dont l’article 11 exige que toute personne souhaitant devenir avocat obtienne un diplôme et un certificat d'aptitude à la profession d'avocat ou bien pratique une activité ou une fonction juridique pendant une durée légalement fixée sur le territoire français.
Le Conseil constitutionnel a déclaré cette dernière exigence conforme à la Constitution au regard du principe d'égalité et de la liberté d'entreprendre. En effet, en exigeant, pour l'exercice de cette profession, la pratique d'une activité ou d'une fonction à caractère juridique pendant une durée suffisante sur le territoire national, le législateur a entendu garantir les compétences des personnes exerçant cette profession par un niveau de connaissance suffisant aussi bien du droit français que de ses conditions de mise en oeuvre et, donc, le respect des droits de la défense. La différence de traitement qui repose sur une différence de situation est en rapport direct avec l'objet de la loi et les personnes ne remplissant pas ces conditions ne sont pas privées du droit d'accéder à la profession d'avocat dans les conditions du droit commun.

La cour d'appel en a donc exactement déduit que les conditions dérogatoires d'accès à la profession d'avocat ne pouvaient trouver à s'appliquer en faveur du requérant, ce refus n'étant pas discriminatoire et ne constituant pas une violation du protocole franco-marocain précité.


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