Décret agrivoltaïsme : un cadre juridique pour concilier agriculture et énergie solaire

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Le décret n°2024-318 du 8 avril 2024 crée un cadre juridique pour le développement des projets agrivoltaïques et des projets photovoltaïques « non agrivoltaïques » sur terrains agricoles, naturels ou forestiers (installations « agri-compatibles »). Il s’agit d’une avancée majeure pour permettre la cohabitation de l'agriculture et de la production d'énergie solaire. Magalie Dejoux, avocate chez De Gaulle Fleurance, nous éclaire sur les implications de ce nouveau régime.

Contexte et objectifs

Face aux impératifs liés à la transition énergétique et aux enjeux de souveraineté agricole et alimentaire, il apparaît nécessaire de trouver des solutions innovantes pour promouvoir une agriculture plus durable et réduire la dépendance aux énergies fossiles. Dans cette optique, le concept d'agrivoltaïsme a émergé comme une stratégie prometteuse, alliant production agricole et production d'énergie solaire sur une même parcelle. Toutefois, le concept d’agrivoltaïsme ne reposait jusqu’à présent sur aucune définition légale ou réglementaire, ce qui constituait un frein pour le développement de ces projets.  

C’est dans ce contexte que la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (APER) a fixé pour la première fois un cadre juridique applicable au développement des projets agrivoltaïques et agri-compatibles. Le décret n°2024-318 a été pris en application de l’article 54 de cette loi et vient apporter des précisions sur le cadre juridique applicable à ces deux catégories de projets. 

Adoption d’un premier cadre juridique 

Pour rappel, l’article 54 de la loi APER a créé le nouvel article L. 314-36 au sein du code de l’énergie pour définir l’agrivoltaïsme. Cet article prévoit qu’une installation agrivoltaïque doit répondre aux conditions cumulatives suivantes :

  • contribuer durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ;
  • apporter directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants : l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, l’amélioration du bien-être animal ;
  • garantir une production agricole significative et un revenu durable à l’exploitant agricole ;
  • la production agricole doit être l’activité principale de la parcelle agricole et l’installation agrivoltaïque doit avoir un caractère réversible.

Le décret du 8 avril 2024 apporte des précisions sur les services devant être apportés à la parcelle agricole par les installations agrivoltaïques ainsi que sur la notion de production agricole significative et de revenu durable en étant issu.

Il précise également les critères visant à garantir que la production agricole demeure l'activité principale exercée sur la parcelle. A cet égard, le décret prévoit un taux maximal de couverture de la parcelle agricole par les installations agrivoltaïques, étant précisé que ce taux pourra varier en fonction des technologies utilisées et de la puissance des installations.  

La loi APER a également fixé un cadre juridique pour l’implantation des installations agri-compatibles. Le décret précise que ces projets pourront être implantés uniquement sur des terres incultes ou non exploitées depuis une durée de dix ans identifiées dans un document cadre. 

Un cadre juridique à préciser

Plusieurs textes sont encore attendus pour détailler le cadre juridique applicable à l’agrivoltaïsme et à l’agri-compatible (notamment des dispositions législatives précisant les modalités de contractualisation et de partage de la valeur générée par les projets agrivoltaïques). Il est donc nécessaire que l’ensemble de ces textes soient publiés afin d’offrir un cadre stable et sécurisant, indispensable pour assurer le développement et le financement de ces projets.

En outre, de nombreuses questions devraient rapidement se poser sur la mise en œuvre des projets agrivoltaïques s’agissant notamment de l’instruction des demandes de permis de construire, du montant du loyer versé au propriétaire du foncier par le développeur, du modèle contractuel à retenir pour assurer la pérennité des projets ou enfin des modalités de poursuite des projets en cas de changement d’exploitant agricole. 

Il pourrait donc être opportun que des documents infra-règlementaires viennent préciser les modalités pratiques du développement de l’agrivoltaïsme. 

Impacts environnementaux, économiques et sociaux

La publication de ce décret marque une étape importante pour le développement de l’agrivoltaïsme en France. Ces projets auront des impacts environnementaux, économiques et sociaux en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en permettant aux agriculteurs de bénéficier de revenus complémentaires de nature à assurer la pérennité de leurs exploitations agricoles et en dynamisant les économies rurales grâce à la création d'emplois et à la diversification des activités économiques sur ces territoires. 

Magalie Dejoux, avocate chez De Gaulle Fleurance 


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