Cyrille Catoire : « L’obligation de vigilance a été créée afin de lutter contre le travail dissimulé »

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Cyrille Catoire, fondateur de Catoire Avocat, explique les enjeux du respect de l’obligation de vigilance qui pèse sur le donneur d’ordre.

Qu’est-ce que l’obligation de vigilance ?

L’obligation de vigilance a été créée afin de lutter contre le travail dissimulé.   
Cette obligation concerne les entreprises ou des particuliers (les obligations sont alors plus souples) qui concluent des contrats de prestations de services ou qui sous-traitent des services d’un montant au moins égal à 5.000 euros.Elle permet de s’assurer que la personne que l’on va faire travailler est inscrite à certains registres et respecte ses obligations à l’égard de l’URSSAF. Tous les donneurs d’ordre sont donc concernés.
Elle commence dès le début du contrat et se répète tous les 6 mois jusqu’à la fin du contrat.

Pour respecter cette obligation, le donneur d’ordre doit demander un extrait Kbis ou la carte répertoire des métiers et l’attestation de vigilance URSSAF qui mentionne que le cocontractant respecte ses obligations de déclaration et paie ses charges sociales. Quand des salariés étrangers interviennent, le cocontractant doit également fournir la liste des salariés étrangers qui sont soumis à autorisation de travail.

Que se passe-t-il en cas de manquement à cette obligation ?

Si le donneur d’ordre n’a pas respecté l’obligation de vigilance et que son cocontractant fait l'objet de poursuites pour travail dissimulé par l'URSSAF qui va venir lui réclamer des cotisations, c’est le mécanisme de la solidarité financière qui va s’appliquer.

Le donneur d’ordre est alors tenu solidairement de régler les impôts, taxes, cotisations de sécurité sociale, rémunérations et autres charges du cocontractant (à hauteur du chiffre d’affaires réalisé avec ce cocontractant).

Cela ne s’arrête pas là car l’URSSAF peut en outre annuler les exonérations et réductions de cotisations applicables aux salariés du donneur d’ordre sur toute la période pendant laquelle la situation de travail dissimulé a perduré.

L’URSSAF parvient ainsi à récupérer les sommes dues par le prestataire auprès des différents donneurs d’ordre, le prestataire de services concerné étant très souvent insolvable.

Quelles sont les étapes de la procédure ?

L'URSSAF informe le donneur d’ordre qu’elle a dressé un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre d’un sous-traitant et lui intimer de cesser toute relation avec celui-ci. ’Elle va exiger les documents sollicités pour respecter l’obligation de vigilance, outre les factures qui ont été établies avec cette société pour connaître le montant de chiffre d'affaires réalisé.

Si le donneur d’ordre est capable de fournir ces documents, la procédure s’arrête en général là. Dans le cas contraire, l'URSSAF adresse une lettre d'observations dans laquelle elle indique les manquements qu'elle estime que le donneur d’ordre a commis, ainsi que les sommes qu'elle envisage de réclamer. Le délai est de 30 jours pour répondre à ce courrier.

Si l’URSSAF estime que les réponses ne sont pas satisfaisantes, elle va alors envoyer une mise en demeure de payer un certain montant au titre de la solidarité financière.

La société peut alors soit décider de payer le montant sollicité, si elle considère que ses chances d’obtenir gain cause sont faibles, soit choisir de contester le montant réclamé, et ce, dans un délai impératif de deux mois.

Dans le cas d’une contestation de la somme à payer, il faut d'abord saisir la commission de recours amiable de l'URSSAF qui examine la contestation d'un redressement. Ensuite, la société pourra saisir le tribunal judiciaire compétent. Pendant toute la phase antérieure à l'intervention du juge, la société n’a pas accès au procès-verbal de travail dissimulé concernant l’entreprise sous-traitante.

Quelles sont les bonnes pratiques pour les entreprises donneuses d’ordre ?

Tout d’abord, il faut bien évidemment respecter l’obligation de vigilance.        
Si dès le début du contrat, et tous les 6 mois, le donneur d’ordre demande les documents exigés par les textes, il va limiter fortement le risque de poursuite.

Si jamais la société se retrouve poursuivie par l'URSSAF dans le cadre d'un redressement, il faut, dès la réception du courrier d'observations, le transmettre à son conseil pour apprécier l’opportunité ou non de contester en réalisant un point sur les chances de gain ou non.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)


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