Le débouclage d’un management package en cas de sortie d’un dirigeant salarié minoritaire

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Regards croisés, points d’attention et retours d’expérience sur le débouclage d’un management package en cas de sortie d’un dirigeant salarié minoritaire par Damien Gassies, directeur d’Investissement, Capitem Partenaires et Clément Mogavero, avocat counsel, cabinet Ratheaux.

Décidément, le sujet des management packages n’en finit pas de faire couler de l’encre dans l’écosystème du private equity et des LBO! En effet, dans une décision de sa 2ème Chambre sociale du 28 septembre 2023, la Cour de cassation a une nouvelle fois mis à mal la robustesse de ces mécanismes d’intéressement des dirigeants/salariés en soumettant, cette fois-ci, les sommes perçues à la suite de l’exercice de bons de souscriptions d’action (BSA), au régime des cotisations sociales. Ce faisant, cette jurisprudence a relancé l’épineuse question de la requalification en salaire des gains ainsi attribués aux dirigeants lors de LBO et plonge encore davantage les acteurs du capital investissement dans la perplexité. Dans ce contexte, il apparait opportun de revenir, par un regard croisé entre un avocat et un investisseur financier, sur la question du débouclage d’un management package – et ses points d’attention – dans le contexte de la sortie d’un dirigeant salarié minoritaire.

Nous rappelons qu’un management package, mécanisme prisé du monde du capital investissement, a pour objectif d’aligner les intérêts des dirigeants/cadres clés d’une entreprise avec ceux des investisseurs financiers et de motiver lesditsdirigeants à la réalisation de meilleures performances. La performance se mesure sur la base de la situation économique/financière de la société ou de celle, spécifique, de certains actionnaires non opérationnels, comme les investisseurs financiers.

Les pactes d’actionnaires qui encadrent les relations entre investisseurs et dirigeants traitent de ces mécanismes en cas de sortie, notamment anticipée, des dirigeants/cadres de la société cible. Ils contiennent souvent des clauses à travers lesquels les dirigeants s’engagent, dans le cadre de promesses unilatérales de vente, à céder les actions qu’ils détiennent dans la cible en cas de cessation de leurs fonctions au sein de la société ou du groupe de sociétés. La valorisation financière des titres dépend des circonstances de la sortie : il s’agit des clauses de « good leaver » ou de « bad leaver » (avec une décote sur la valeur des titres dans ce dernier cas), termes dont la définition est empreinte de références au droit social (faute grave, faute lourde, etc.).

Le pacte d’actionnaires peut alors prévoir des cas de révocations ou de départs plus ou moins nombreux, impactant la formule d’application du management package. Cette situation s’illustre notamment dans le cadre de l’attribution d’actions gratuites (AGA) pour lesquelles, outre le respect de périodes d’attribution et de conservation, des promesses de cession sont usuellement consenties par le dirigeant salarié afin de prévoir un éventuel départ. Ces promesses vont inclure 3 paramètres décisifs : le vesting, la base de valorisation et la décote. Le vesting correspond à la durée nécessaire de présence dans la société pour obtenir la pleine propriété de l’intégralité des actions acquises. Le nombre d’actions vestées (acquises et donc non concernées par l’obligation de cession anticipée liée au bad leaver) s’exprime usuellement en pourcentage et augmente en fonction de la durée de présence (habituellement linéaire de 0 à 5 ans). Lors d’un départ good leaver, le vesting s’applique, alors que dans le cadre d’un cas de bad leaver, 100% des actions peuvent être considérées comme non vestées, ce qui s’avère pénalisant pour le cédant. La base de valorisation des actions non vestées (et donc concernées par l’obligation de cession liée à un départ bad leaver) peut être soit une valeur considérée de marché via l’application d’un prix formule (notamment multiple d’EBITDA), soit la valeur nominale. Dans un cas de good leaver, la valeur de marché sera utilisée. Pour un bad leaver, la base de valorisation correspondra à la valeur de marché assortie d’une décote ou à la simple valeur nominale.

Par ailleurs, l’un des enjeux cruciaux à anticiper (pourtant souvent relégué au second plan) se manifeste à l’occasion d’une action contentieuse sociale du dirigeant salarié évincé par la société alors même qu’il bénéficiait d’un management package en cours d’exécution. On vise ici le cas d’un licenciement dont la date d’effet est proche de la fin de période de conservation d’AGA qui seront donc « perdues » et non cessibles au moment du départ. Lors d’une contestation du caractère sérieux et causé de son licenciement, le salarié pourrait ainsi arguer d’une perte de chance du fait de la privation de la possibilité de disposer librement et donc de revendre ses actions issues du package. Cette tendance peut d’ailleurs même se trouver accentuée en cas d’existence d’un vesting, combiné ou non avec une décote bad leaverdans le pacte. Il est donc essentiel qu’investisseurs financiers et avocats rédacteurs aient à l’esprit ces aspects lors de la négociation du pacte et de tels mécanismes incitatifs.

Damien Gassies, directeur d’Investissement, Capitem Partenaires et Clément Mogavero, avocat counsel, cabinet Ratheaux


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