Sanction de déplacement d'office infligée à un vice-procureur malade

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Le Conseil d’Etat suspend la sanction de déplacement d’office infligée à un vice-procureur car les manquements qui lui sont reprochés sont étroitement liés à son état de santé défaillant et à celui de ses fils.

M. B. exerce les fonctions de vice-procureur de la République auprès du tribunal judiciaire de Bordeaux.
M. B. a, sans en avoir informé sa hiérarchie, ouvert une enquête pénale en février 2018 pour des faits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie commis en bande organisée au préjudice du père de l'ancienne bâtonnière du barreau de Bordeaux qui avait été pendant plusieurs années l'employeure de son épouse et qu'il connaissait lui-même depuis longtemps alors qu'il n'était pas chargé de connaître de ce type d'infraction, manquant ainsi à ses devoirs de loyauté, d'impartialité et de probité.
En outre, M. B. a, par certaines insuffisances professionnelles, manqué à son devoir de délicatesse en ne s'étant pas suffisamment inscrit dans la collectivité de travail du parquet.

Par une décision en date du 30 novembre 2023, le garde des Sceaux, après avoir recueilli l'avis du Conseil supérieur de la magistrature, a prononcé à son encontre la sanction de déplacement d'office.

M. B. demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner la suspension de l'exécution de cette sanction.

Dans un arrêt du 18 janvier 2024 (requête n° 490407), le Conseil d’Etat suspend l'exécution de la décision du garde des Sceaux, relevant que les manquements reprochés à M. B. sont étroitement liés à son état de santé défaillant et à celui de ses fils.

En effet, M. B. s'est trouvé confronté, à partir de 2014 au moins, à une situation personnelle particulièrement difficile en raison de la maladie neurologique survenue à son troisième fils, des périodes de dépression connues par son fils aîné et par lui-même, qui ont conduit à plusieurs arrêts de travail, en mars, en juin et en novembre 2018, avec une hospitalisation en juin-juillet 2018 puis en décembre-janvier 2019, suivis d'un placement en congé de longue maladie, en mai 2019 jusqu'en mai 2022.
Au cours de la même année 2018, ses deux fils, l'un âgé de vingt ans et l'autre de douze ans, ont également été hospitalisés à plusieurs reprises.

Cette situation, ainsi que le relève d'ailleurs le rapport de l'inspection générale de la justice, est susceptible d'avoir affecté la vie professionnelle de M. B., notamment son assiduité et sa disponibilité, à l'origine du manquement au devoir de délicatesse faute de s'être suffisamment inscrit dans la collectivité de travail du parquet, notamment en n'assistant pas aux réunions hebdomadaires de service et ayant une disponibilité réduite.
Elle est également
susceptible d'avoir eu une répercussion sur sa décision d'ouvrir et de conduire une enquête pénale qui ne relevait pas de ses attributions sans en informer sa hiérarchie, ainsi que le relève le rapport de l'inspection général lui-même : "fragilisé au cours de cette période par son état de santé et celui de ses enfants, il a pu, comme il l'a suggéré, perdre de sa clairvoyance pour céder au plaisir de rendre service à l'ancienne bâtonnière (...) ainsi qu'à la satisfaction de diriger une belle enquête, ce dont il était privé depuis longtemps".

Dans ces conditions, compte tenu de l'état de santé défaillant de M. B. ainsi qu'à l'état de santé de ses fils, les moyens tirés de l'absence de manquement au devoir de probité et de ce que la sanction de déplacement d'office ne serait pas proportionnée aux manquements reprochés, sont de nature, en l'état de l'instruction et dans les circonstances particulières de l'espèce, à créer un doute sérieux sur la légalité de la sanction de déplacement d'office.

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